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glacier franchissait encore la rivière, sur laquelle il formait comme un pont, et touchait la base du Mont-Chétif, qui porte la chapelle de Notre-Dame-de-Guérison. En 1846, le même voyageur le revit ; il avait avancé de 31 mètres, s’était élevé le long de la montagne, menaçant d’envahir le sentier qui mène du col de la Seigne à Courmayeur, et la chapelle n’était plus qu’à 30 mètres au-dessus du glacier. Une magnifique aquarelle de M. Hogard prouve qu’en 1849 il dépassait encore la rivière. Depuis cette époque, les renseignemens font défaut ; mais il est probable que le mouvement de retrait date de 1855, comme celui des glaciers de Chamonix.

Sans être astreint à des intervalles égaux, cet avancement et ce retrait des glaciers affectent cependant une certaine périodicité. Suivant Venetz, ceux du Mont-Blanc et du Mont-Rose étaient très petits en 1811 ; de 1812 à 1817, ils s’avancèrent prodigieusement et atteignirent leur maximum d’extension dans la période comprise entre le commencement du siècle et l’époque présente. De 1821 à 1824, ils reculèrent ; ils avancèrent de nouveau de 1826 à 1830, restèrent stationnaires jusqu’en 1833 pour progresser de nouveau en 1836 et 1837. Le mouvement de retrait de 1839 à 1842 fut suivi d’une extension qui, interrompue par quelques arrêts, continua jusqu’en 1854. Quelquefois un glacier marche en une seule année avec une rapidité tout à fait exceptionnelle. Ainsi après les années a été pluvieux de 1815 à 1817 le glacier de Distel dans la vallée de Saas en Valais s’avança de 15 mètres en un an, celui de Lys, sur le revers méridional du Mont-Rose, de 48 mètres ; celui de Zermatt a progressé de 22 mètres en 1853.

Mais le glacier le plus célèbre sous ce rapport est le Vernagtferner, au sommet de la vallée d’Oetz dans le Tyrol autrichien. Dans l’été de 1843, il se réunissait en s’avançant au petit glacier de Rofen, dont il est aujourd’hui séparé par un promontoire. Tous deux, formant une seule masse, descendaient rapidement dans la vallée. Les habitans s’effrayèrent ; ils savaient par la tradition qu’en 1600, 1667 et 1772 ce glacier avait marché avec la même rapidité et barré le cours d’un ruisseau qui s’était transformé en lac : ce lac avait ensuite rompu sa digue de glace et s’était précipité dans la vallée en y causant de grands ravages. Les autorités d’Inspruck, averties par la rumeur publique, nommèrent une commission qui constata quelle était la vitesse de progression du glacier. En 1842, elle fut de 200 mètres en 67 jours, ou de 2m, 98 par jour, puis elle se ralentit pendant les années 1843 et 1844 ; mais dans l’été de 1845 elle était de 9m, 92 par jour. C’était un véritable glissement de la masse tout entière. L’eau s’ouvrit un passage sous la glace le 14 juin, et depuis cette époque jusqu’en juin 1848 le lac se remplissait et se vidait à