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Si l’on me demande comment il se fait que ces courbes paraboliques apparaissent ou réapparaissent après les cascades dans lesquelles le glacier a été crevassé et déchiré si profondément, je répondrai que je vois dans cette réapparition une des plus belles conséquences du regel de la glace démontré par MM. Faraday et Tyndall. En effet, après la cascade les crevasses se referment, les cubes ou séracs se ressoudent, les pyramides se rejoignent, et la masse du glacier se reconstitue comme auparavant. Alors les couches dont il se compose réapparaissent, et leurs bords, échelonnés les uns au-dessus des autres, prennent la forme d’ogives d’autant plus allongées qu’on les observe plus bas : une fusion plus rapide se joint à la progression et les étire, pour ainsi dire, à mesure qu’elles descendent dans des régions plus chaudes que celles où elles ont pris naissance.

Les bandes bleues qui traversent la glace blanche et aérifère du glacier sont tantôt verticales, tantôt inclinées, tantôt horizontales. Ces bandes bleues étaient des couches de neige qui, par suite de circonstances très variées, ont été pénétrées par l’eau due à la fonte de la couche elle-même ou des couches voisines. L’eau chasse l’air, puis gèle et convertit la glace blanche en glace bleue. J’ai vu sur ce glacier du Faulhorn, que j’observais tous les jours, une couche de glace blanche dans laquelle l’eau coulant sur les rochers voisins s’infiltrait sans cesse, tandis que cette eau ne pouvait pas pénétrer dans la couche située immédiatement au-dessus, qui n’était pas en contact avec le sol. Sous mes yeux, la couche inférieure est devenue de la glace bleue, la supérieure est restée à l’état de glace blanche. Voici une autre preuve. Lorsque j’abordai pour la troisième fois le grand plateau du Mont-Blanc avec mes amis MM. Bravais et Lepileur, nous avions, en déblayant notre tente, rejeté à la pelle la neige récente qui l’obstruait[1]. Cette neige formait des blocs assez volumineux gisant sur le névé. Au bout de trois jours, j’aperçus de petites bandes bleues horizontales de 1 centimètre d’épaisseur qui entraient de 2 à 5 centimètres dans la neige. Le soleil avait fondu légèrement la tranche de certaines couches qui s’étaient infiltrées d’eau, tandis que les autres n’en avaient pas été pénétrées. Les bandes bleues sont donc des couches de plus facile infiltration. Sur le petit glacier du Faulhorn, elles étaient parallèles aux couches stratifiées qui correspondent aux dirt bands, c’est-à-dire presque horizontales sur les bords et vers le haut du glacier; mais elles se rapprochaient de la verticale à mesure qu’elles se trouvaient plus près de l’escarpement terminal. Quand on songe qu’un grand gla-

  1. Voyez le récit de cette ascension, Revue des Deux Mondes du 15 mars 1865.