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tact de la glace ; mais à quelques centaines de mètres au-dessous on trouve des forêts à physionomie tropicale, composées de palmiers, de fougères arborescentes, de Dracaena, de Metrosideros, et de même que nous voyons le chanvre et le lin prospérer dans le voisinage des glaciers de la Suisse, de même le lin de la Nouvelle-Zélande (Phormium tenax) végète vigoureusement près des glaciers de nos antipodes. Deux grandes espèces de perroquets[1] troublent seuls de leurs cris perçans le silence de ces régions inhabitées, où naissent les rivières torrentielles de ces îles. A défaut d’observations directes, cette végétation dénote un climat tempéré, humide, des étés d’une chaleur modérée suivis d’hivers sans gelées dans les plaines et sur les plateaux peu élevés. Ce climat, analogue à celui de l’Angleterre, est favorable à l’accroissement des glaciers. Les neiges abondantes qui tombent en hiver réparent largement les pertes subies pendant l’été. La distribution géographique des glaciers nous étant connue, passons à l’étude des phénomènes qu’ils présentent.


II. — PROGRESSION DES GLACIERS.

J’ai comparé les glaciers à des fleuves de glace ; en effet, ces masses, qui semblent l’emblème de l’immobilité, sont animées d’un mouvement de progression pareil à celui de nos cours d’eau. Les montagnards des Alpes avaient remarqué depuis longtemps que les blocs de pierre qui recouvrent leur surface ne restaient pas à la même place, mais qu’ils étaient transportés vers la plaine sur le dos du glacier. De Saussure, Charpentier, l’évêque Rendu, ont noté des faits de ce genre. La science réclamait des mesures précises ; elles furent faites successivement sur le glacier de l’Aar par MM. Agassiz et Desor, sur la mer de glace de Chamonix par MM. J, D. Forbes et J. Tyndall. On s’assura que les glaciers progressaient comme une rivière qui coule d’autant plus vite qu’elle est plus profonde, et dont le courant est plus rapide au milieu que sur les bords, à la surface qu’au fond. Quelques chiffres fixeront les idées. En un an, au niveau du pavillon de M. Agassiz, le glacier de l’Aar avance en moyenne de 71 mètres au milieu, de 33 mètres sur les bords. Vers l’extrémité inférieure, la vitesse de progression se ralentit au point de n’être plus que de 39 mètres ; elle s’accélère un peu vers le haut, où le glacier parcourt annuellement un espace de 75 mètres. La mer de glace de Chamonix, en face du Montan- vert, progresse annuellement de 147 mètres environ. Le mouve-

  1. Nestor notabilis et N. Esslingii.