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qu’elles soient sùres et fécondes, puisque ces vaillans chercheurs, au lieu de s’y égarer ou de n’y moissonner que des redites, y recueillent sinon de grandes vérités nouvelles, au moins quelques preuves nouvelles à l’appui d’anciennes vérités.

C’est dans ces régions âpres, mais salubres, que M. F. Magy a médité à loisir et composé avec amour son livre intitulé De la Science et de la Nature, essai de philosophie première. Dès qu’on ouvre ce volume, on se sent en présence d’un esprit robuste et austère qui aurait pu se donner le plaisir des triomphes remportés dans les luttes brillantes de la polémique, mais qui a préféré cueillir parmi les ronces et les épines les fruits savoureux et nourrissans de la pensée solitaire. Fervent défenseur des idées spiritualistes, il croit de toutes ses forces qu’à la métaphysique fondée sur la conscience que l’âme a de sa liberté est attaché l’avenir moral et politique de notre pays, ou plutôt de tous les pays. « La conscience de notre énergie autonome, dit-il, et la croyance à un idéal divin, voilà les deux conditions primordiales du droit et du devoir, et en quelque sorte les deux ancres de toute société bien ordonnée. » Plein de cette idée, il a voulu retrouver les bases essentielles de cette métaphysique à laquelle il accorde justement un prix infini malgré les discours assourdissant de ceux qui mettent leur gloire à la décrier, et du même coup il a essayé de poser les fondemens de toute connaissance et les conditions de toute existence. Aidé des sciences mathématiques et physiques qu’il a sérieusement étudiées, mais guidé principalement par la conscience du pouvoir actif et libre dont lame est douée, il déclare et il démontre que toutes nos idées scientifiques sont autant d’expressions ou de formes diverses, tantôt médiates, tantôt immédiates, des deux notions de force et d’étendue. Cette démonstration est un modèle de clarté, de suite, de rigueur. Toutes les sciences, mathématiques, physiques, naturelles, philosophiques, y passent chacune à son tour sous les yeux du lecteur; elles ouvrent leurs mains en quelque sorte, et font voir qu’elles n’y portent que les deux idées d’étendue et de force, que chacune cependant manie, développe et présente sous des aspects et selon des méthodes diverses. Il est pourtant à regretter que l’auteur n’ait pas expliqué comment d’autres idées très considérables, telles que celles de rapport et de loi, rentrent dans la double notion qu’il a mise en évidence. Les puissances, les énergies diverses de l’univers ne sont point isolées : des liens innombrables comme elles les rattachent et les rapprochent. J’aurais voulu apercevoir dans cette forte étude le réseau de lois, de relations, de réciprocités, qui, semblables à un filet, enveloppent les êtres et les empêchent de se disperser.