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clure que de préparer de bonnes conclusions, il analysait les difficultés, en montrait le nœud et s’efforçait d’en découvrir les formules précises; puis il proposait, avec une réserve dont le secret semble se perdre chaque jour, des solutions qui lui paraissaient très voisines de la vérité, mais dont il appelait lui-même la vérification. Là il déclarait, comme l’école à laquelle il appartient, bien qu’avec des argumens qu’il avait su découvrir par ses réflexions personnelles, que le philosophe qui veut définir la nature et déterminer les élémens de la matière était forcé d’employer tout d’abord la méthode psychologique, sauf à aller ensuite plus haut et plus loin, c’est-à-dire à s’élever jusqu’à la métaphysique. Comment se fait-il que son traité sur la matière (car sous une forme modeste c’est un véritable traité) ait échappé à l’attention de l’auteur des Problèmes? Et, s’il l’a connu, comment ne l’a-t-il ni cité, ni discuté, ni réfuté, au moment où il se préparait à suivre une marche nouvelle et à mettre à la fin cette même psychologie que M. de Rémusat place au commencement? Un autre auteur, un érudit justement renommé, M. Th.-Henri Martin[1], a donné au public en 1849 deux remarquables volumes intitulés Philosophie spiritualiste de la Nature, où une connaissance peu commune des sciences positives et de leur histoire s’unit à une grande pratique des questions de psychologie et de métaphysique. M. Th.-Henri Martin ne s’emprisonne pas plus que M. de Rémusat dans le cachot de la psychologie. Il en sort, il étudie l’univers; il a des idées sur la matière, sur les atomes, sur l’éther, sur les genres et les espèces. Pourquoi ne rien dire de son vaste et consciencieux travail? Comment les philosophes et les savans s’éclaireront-ils, se corrigeront-ils, s’aideront-ils les uns les autres, si les savans, satisfaits d’avoir prononcé quelques paroles de pure politesse, rentrent ensuite dans leurs frontières et refusent d’entendre ou de lire ce qui s’écrit ou s’enseigne au-delà?

Ce n’est pas ici le lieu de réparer de fâcheux oublis ou de regrettables omissions. Il convenait toutefois de bien établir que la philosophie de la nature n’est pas née seulement d’hier dans l’école spiritualiste, que dès ses débuts elle y a pris la psychologie pour point de départ, que ceux qui prétendent employer le procédé contraire ne l’ont point convaincue qu’elle faisait fausse route, et que, bien loin de là, dès qu’ils ont visé au même but, ils se sont engagés dans les mêmes chemins. Il faut que ces voies soient naturelles, puisque voici qu’elles attirent de jeunes et fermes talens; il faut

  1. M. T.-H. Martin est l’auteur de plusieurs ouvrages très estimés, notamment d’un récent volume fort curieux qui a pour titre la Foudre, l’Électricité et le Magnétisme chez les anciens.