satisfaits, et des mots se forment pour les exprimer. Dans la fusion générale qui s’opère alors, les anciens mots de la langue commune s’altèrent au point de devenir méconnaissables, et quand la société se reconstitue sur des bases nouvelles, on voit par degrés apparaître un idiome construit dans des conditions renouvelées. C’est ainsi que du grand mouvement social qui accompagna et qui suivit l’invasion barbare naquirent les idiomes gallo-romains de la langue d’oil et de langue d’oc, l’espagnol, le portugais, l’italien et tous les dialectes intermédiaires. Le même phénomène se produit lorsque d’une contrée circonscrite une population exubérante est forcée d’émigrer et de chercher fortune ailleurs, car elle ne peut partir tout organisée : au contraire ce qu’elle emporte de la mère-patrie se détruit ou se dénature chemin faisant, et quand elle est enfin dans la contrée où elle doit se fixer, elle y trouve des conditions d’existence physique et morale souvent tout autres que celles qu’elle a quittées. Ainsi s’explique par la loi du fractionnement la naissance successive du celte, des langues germaniques, du latin, du grec, du zend et du sanscrit, tous également issus d’une langue-mère primitivement parlée dans les hautes vallées de l’Oxus. Il dut en être de même pour l’hébreu, l’arabe, le chaldéen et les autres dialectes sémitiques, dont les ressemblances et les différences ne peuvent guère s’interpréter autrement.
Si maintenant nous suivons dans leur marche les trois lois que nous venons d’esquisser, l’élimination, l’altération et le fractionnement dialectal, nous nous apercevons qu’elles agissent simultanément et d’une manière continue, quelles que soient les causes qui en ralentissent l’action ; mais, comme les langues aryennes et sémitiques ont seules parcouru les trois phases de leur développement, c’est dans l’étude de ces langues qu’on saisit toute la portée des lois en question. Les idiomes de la période moyenne, comme le turc, le finnois, le basque, n’ont subi leur action que dans une mesure beaucoup plus restreinte. Enfin les langues monosyllabiques telles que le chinois en sont encore à la première période ; elles ont évidemment subi dans de vastes proportions les effets de l’élimination des racines superflues, puisque le chinois n’en a conservé que quatre cent cinquante ; mais elles n’ont été que peu altérées et n’ont donné naissance qu’à fort peu de dialectes. Encore ces dialectes peuvent-ils être envisagés comme produits indépendamment les uns des autres au milieu d’une masse homogène qui s’est centralisée sur divers points, comme la matière sidérale de Jupiter ou de Saturne, en se condensant autour de certains points d’attraction, a produit les satellites qui circulent autour de ces planètes. Quoi qu’il en soit, le mouvement qui s’opère encore sous nos yeux dans les langues aryennes, mouvement dont nous pouvons remonter le cours pen-