Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 67.djvu/280

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tifiquement analysés offrent une base solide à toute l’argumentation. La physique mathématique vient après la physique expérimentale, mais sans les expériences la physique mathématique serait une science vide, un échafaudage léger construit sur un terrain mouvant et que le moindre vent pourrait abattre. C’est ce qu’a parfaitement compris M. Müller, et si son livre ne donne point la solution complète du grand problème, il a du moins l’avantage de poser le fondement solide sur lequel cette solution peut être appuyée. Nous allons essayer, sans nous astreindre rigoureusement à l’ordre de l’auteur, de résumer les grands faits scientifiques que renferment ses premières leçons et d’en faire saisir l’importance.


I.

Nous n’examinerons pas si l’histoire de la science du langage, telle que M. Müller l’a présentée, est assez exacte et assez complète; il suffit qu’elle soit véridique et impartiale. Cette science ne date pas d’hier, comme on se plaît à le répéter de notre temps, elle est au contraire une des plus vieilles sciences d’observation, et ne remonte pas moins haut dans le passé que l’étude des phénomènes naturels et les premières tentatives d’analyse chimique. Seulement elle a eu le même sort que plusieurs autres sciences de même nature, particulièrement la chimie : après avoir longtemps cherché sa voie et ses instrumens d’analyse, elle a fini par les trouver, et à partir de ce jour elle a marché avec une rapidité extrême. Nous datons la chimie de Lavoisier, c’est-à-dire de la révolution française, parce que c’est à cette époque que, sûre de sa méthode, elle s’est trouvée en possession de la balance, au moyen de laquelle elle a donné à ses analyses une précision qu’elles n’avaient point eue auparavant. La même époque a vu entrer l’étude du langage dans sa période scientifique, parce qu’alors la conquête lui a apporté de l’Inde l’instrument d’analyse qui lui avait manqué jusque-là : le sanscrit a été pour les philologues ce que la balance a été pour les chimistes. Aujourd’hui ces deux sciences ne sont pas moins avancées l’une que l’autre, et je crois même qu’à certains égards la science du langage est plus avancée que la chimie, parce qu’elle est plus près de résoudre ses problèmes fondamentaux et de passer à cet état de science déductive où est depuis longtemps parvenue l’astronomie; mais une science ne vient pas subitement au jour sans préparation et sans cause. Elle est, comme tout phénomène naturel, préparée par une longue et souvent pénible élaboration, à laquelle des siècles entiers et de nombreuses générations de savans ont participé.

Les préliminaires du, drame scientifique qui se dénoue sous nos