à la suite des lettres de Mme des Ursins[1], d’après les papiers de famille de M. le comte de Gramont d’Aster. Ces billets sont adressés au duc de Gramont, ambassadeur de France à Madrid. Lui-même a écrit de sa main en tête de ces curieuses pages : « Lettre de la main du roi, contrefaite sous le nom du baron de la Roquerie, » ou bien sous les noms de Crochac, de Baron, de l’Épine blanche, de Lespine, de La Rapiniêre, de La Fontaine au Bois, de Des Laurens; par contre, le duc de Gramont écrit directement au roi sous le nom de La Graingaudière. Il y a de plus des termes convenus : l’esprit signifie la reine d’Espagne; la bonté, le roi d’Espagne; le sujet à caution, Orry; l’absente. Mme des Ursins; le Basque, Gramont ; le voyageur, Tessé, etc.. Voilà qui ne cadre pas fort bien avec ce qu’on raconte de la gravité imperturbable et uniforme du grand roi. Y avait-il là encore une sorte de diplomatie secrète? Connaît-on même d’autres pièces analogues à ces billets, qui semblent être parfaitement authentiques?
Encore sous Louis XVI, les pratiques secrètes sont plus nombreuses et plus singulières qu’on ne le sait communément. Un curieux petit volume. Imprimé en Allemagne au temps de la révolution, raconte quels moyens bizarres M. de Vergennes, ministre des affaires étrangères, avait employés pour être bien renseigné sur quiconque venait de l’extérieur en France. Comme il fallait, que l’on fût étranger ou non, présenter à la frontière une sorte de passeport délivré par les chefs de nos légations, ceux-ci étaient chargés de recueillir tous les indices concernant le voyageur, sa famille, sa condition, ses opinions politiques ou religieuses, ses intentions déclarées ou présumées. Tout cela était interprété sur la carte de voyage à l’aide d’une infinité de signes cachés dans l’encadrement, dans la rédaction, l’orthographe, l’accentuation. On trouvera dans le petit écrit que nous indiquons plusieurs spécimens de ces feuilles mystérieuses, qui deviennent dans certains cas des documens historiques[2].
C’était, dira-t-on, l’enfance de l’art; c’était l’abus puéril du secret là où, bien employé, il peut assurément être utile et où il est quelquefois indispensable, c’est-à-dire dans la diplomatie et dans la police. L’abus en était bien autre, et c’était là un vrai fléau, dans l’administration de la justice. Les séances de la Tournelle n’admettaient, comme on sait, nul témoin, et à l’origine de tout procès criminel se rencontrait l’arbitraire secret des lettres de cachet et des prisons d’état. Encore le procès, même avec si peu de garanties, était-il une sorte de faveur qui n’était pas accordée à tous. Lettre de cachet et Bastille ne traduisaient que trop souvent le pur caprice du pouvoir; les institutions destinées à la répression et au châti-