Voilà encore une année qui finit et une année qui commence. Rien ne serait plus agréable que de s’arrêter à cet intervalle comme le béat Janus antique, qui peut regarder placidement au passé et à l’avenir sans se tordre le cou, grâce aux deux têtes dont il est pourvu. Il serait doux aussi de s’oublier dans les gaîtés que les bonnes et aimables coutumes des nations chrétiennes répandent, au souvenir de la naissance du Christ, sur ce crépuscule et cette aurore ; mais ni Noël ni le jour de l’an ne communiquent cette année leur hilarité à la politique. Aucun événement récent ne nous permet d’entonner le cri joyeux de nos pères : Noël ! Noël ! et les heureux apparens ne peuvent point eux-mêmes échanger leurs souhaits de bonne année avec la délectable sécurité qu’inspire une sereine confiance.
Nous ouvrons le nouvel an comme nous finissons l’ancien, dans le trouble moral et la confusion politique. La rhétorique officielle des complimens de circonstance ne pourra point nous faire perdre un moment le sentiment des soucis dont nous sommes chargés. La tâche de 1867 est sévère et laborieuse ; elle doit être de travailler à réparer les erreurs, les déceptions, les résultats, en un mot, de 1866. Il y a une parole qui est passée depuis quelques années d’un gouvernement et d’un peuple à l’autre en Europe, c’est celle que prononça le prince Gortchakof après la guerre de Crimée quand il dit : La Russie se recueille. D’autres gouvernemens, d’autres peuples ont eu à se recueillir depuis cette époque. Aujourd’hui le tour de la nation française et du gouvernement français est venu : c’est à nous de nous recueillir. Le recueillement de la France, telle est l’œuvre de l’année politique qui va commencer pour nous.
Le recueillement sera notre salut, si on y cherche avec un patriotisme loyal et désintéressé les leçons de l’expérience, et si l’on sait en suivre les inspirations avec une décision opportune. Le premier acte de ce travail