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M. l’évêque d’Orléans à son prochain sermon sur les inconvéniens du respect humain. Au reste, cette inconséquence, très sciemment calculée, ne peut tromper que les lecteurs inattentifs. Si M. Dupanloup juge prudent de ne pas conclure, tous ceux qui l’ont lu et qui savent ce que parler veut dire ont déjà conclu pour lui. Quelque rompu que soit un écrivain à la gymnastique évasive des restrictions mentales, il se dérobe moins facilement qu’il ne pense à la responsabilité de ses idées et de ses paroles. La pensée qu’il s’étudie laborieusement à déguiser dans tel ou tel passage jugé scabreux, elle éclate à son propre insu dans l’œuvre entière : en vain vous vous efforcez de la dissimuler, chacun l’a déjà nommée. M. Dupanloup ne demande nulle part en termes formels que la discussion des doctrines religieuses nous soit interdite, mais il accumule avec un soin minutieux, dans son ouvrage, toutes les raisons et tous les prétextes qui lui paraissent de nature à motiver l’adoption d’une telle mesure. Il s’abstient de toute attaque directe contre la liberté de la presse, mais il dénigre et injurie tous ceux qui en font usage. Il n’est pas assez bien en cour pour appeler sur eux les rigueurs du gouvernement, mais il appelle sur eux l’indignation du public, et il invite « les familles chrétiennes à leur fermer rigoureusement leur porte tant qu’ils persisteront dans une telle voie. » Il dénonce à ces familles les journaux auxquels elles ne doivent pas s’abonner, les librairies où elles ne doivent pas acheter. Il emploie en un mot consciencieusement tous les moyens de nuire à ses adversaires qui se trouvent à sa portée ; quelquefois même il en met en œuvre certains autres qui ne peuvent lui être d’aucun usage, soit distraction, soit force de l’habitude, soit espérance que les temps redeviendront meilleurs. C’est ainsi qu’ayant à citer des articles odieux de l’honorable M. Havet, que nous n’avons pas à justifier aux yeux des lecteurs de cette revue, il ajoute au nom de l’écrivain cette singulière mention : M. Havet, professeur, dit-on, au Collége de France. C’est là, si je ne me trompe, ce qu’on appelle recommander quelqu’un au prône. On le voit, M. l’évêque d’Orléans n’est pas seulement un métaphysicien, il est aussi un homme pratique, et s’il sait remonter à propos dans son nuage quand on lui demande une déclaration de principe qui pourrait l’engager, en revanche nul ne va plus droit au fait quand il s’agit de nuire à ses adversaires. Au reste, ne lui dites pas qu’il travestit ou méconnaît leurs intentions, ne le rappelez pas aux préceptes de la charité chrétienne : il a prévu le cas ; il vous répond qu’il ne veut pas la mort du pécheur ; il nous laisse même à tous un recours simple et facile. « Si je me suis trompé, dit-il, si les coupables sont meilleurs que je pense, qu’ils me démentent ; jamais je n’aurai eu de plus grande joie. » Moyennant cette petite précaution préliminaire,