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jour et nuit; dans les bureaux sédentaires, dans les bureaux ambulans, partout où elle soupçonne une fraude possible, elle ouvre des yeux accoutumés à voir vite et bien. Aussi en 1865, malgré l’énormité des valeurs manipulées par tant d’employés divers, l’administration n’a eu à rembourser que 8,020 francs, — 700 francs pour quatorze chargemens disparus, à 50 francs l’un, et 7,320 pour perte ou détournemens de valeurs déclarées. Dans ce dernier cas, l’administration est responsable de la totalité de la somme inscrite sur ses registres; dans le premier, elle ne rembourse jamais plus de 50 francs pour perte d’une lettre chargée, quel que soit le nombre de billets de banque qu’elle contienne. En présence d’une perte si minime qu’elle est insignifiante, comment ne pas admirer la régularité, la moralité et le haut sentiment du devoir qui dirigent et soutiennent les 27,749 agens auxquels le soin des correspondances est confié? Leur responsabilité est permanente, et malgré quelques déplorables exemples, sur lesquels les tribunaux ont eu à prononcer, on peut dire que cette armée administrative est un modèle d’honneur et de probité.

A. côté des tentations qu’elle repousse, il y a les encombremens officiels qu’elle débrouille avec une sagacité merveilleuse sans permettre qu’ils puissent nuire au service public. Ce qu’on appelle les sous-seings suffirait à occuper toute une administration spéciale; c’est un abus qui paraît croître dans des proportions telles qu’il est bon de le signaler. Comme le cabinet noir, il remonte à Louis XI. Dans son édit du 19 juin 1464, on lit : « Art. 21. Et quant aux paquets envoyés par ledit seigneur (le roi) ou qui lui seront adressés, lesdits maîtres coureurs seront tenus de lui porter en personne, sans aucun délai de l’un à l’autre, avec la cotte cy-mentionnée, sans en prendre aucun payement, ains se contenteront des droits et gages qui leur seront attribués. » Sans en prendre aucun payement, ces cinq mots contenaient en germe le sous-seing ou le droit de franchise, que bientôt chacun réclama soit à titre courtois, soit comme privilège de charge exercée, soit enfin pour cause d’utilité publique. Peu à peu l’abus se propagea de telle sorte et devint si menaçant que sous la convention il fut reconnu que plus des trois quarts des correspondances transportées par les postes jouissaient du droit de franchise. Ce ne fut que sous le directoire (décret du 27 vendémiaire an vi) qu’on osa faire payer régulièrement la taxe à cette innombrable quantité de fonctionnaires de tout ordre qui avaient trouvé moyen de s’en affranchir. Lors de la discussion du 7 février 1845, M. Monnier de la Sizeranne demanda hardiment l’abolition de toutes les franchises. Malheureusement, tout en ayant raison, il heurtait tant de petits intérêts qu’il ne fut