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vous appelleriez l’universalité des citoyens à voter sur les moindres mesures de gouvernement, la vraie liberté, le self-government n’aurait pas fait un pas.

Veut-on avoir d’un Florentin la confession ingénue des sentimens que nous venons d’exposer, voici comment Guichardin s’exprime dans un dialogue sur le gouvernement de Florence, demeuré inédit jusqu’à ces dernières années. On peut l’entendre avec confiance, c’est dans ces œuvres inédites que son égoïsme prudent laisse échapper la vérité. « Si je ne me trompe, le désir de la domination et de la supériorité sur leurs semblables est si naturel aux hommes, qu’en règle générale il n’y en a guère qui aiment vraiment la liberté. Bien peu, s’ils avaient l’occasion de se rendre les maîtres de leurs concitoyens, s’abstiendraient de le faire… Si donc vous considérez attentivement la conduite de ceux qui vivent ensemble dans une même cité, si vous observez les dissensions qui s’élèvent entre eux, vous verrez que le but qu’ils se proposent est la supériorité sur les autres plutôt que la liberté… Ainsi ceux qui remplissent les premières places dans l’état ne travaillent pas davantage pour la liberté, ils ne cherchent qu’à augmenter leur pouvoir, ils veulent assurer leur rang et conserver leur prééminence[1]. »

En 1259, Sienne s’entendit avec les gibelins proscrits pour attirer les Florentins dans un piège. Le gouvernement de la commune se laissa tromper ; le parti guelfe de Sienne, disait-on, attendait qu’une armée florentine parût devant cette ville pour lui en ouvrir les portes. Les prudens du parti soupçonnèrent le piège ou devinèrent le danger. Un d’entre eux, Cece de’Gherardini, se leva pour demander des délais. Un des anziani lui interdit la parole, et lui rappela qu’un citoyen parlant sans la permission des anziani était passible d’une amende de cent livres. « Je parlerai et je paierai l’amende, répondit Gherardini. — Vous avez parlé et vous devez l’amende dès ce moment, reprit le magistrat. Si vous continuez, vous la paierez deux fois. — Soit ! dit Gherardini, et il poursuivit son discours. — Trois cents livres, si vous ajoutez un mot de plus ! cria le tyrannique personnage. — Je paierai bien trois cents livres le droit de sauver mes concitoyens de la ruine ! » s’écria à son tour le patriote Gherardini. Alors les anziani, se levant, lui dirent, que, s’il continuait, ce serait non pas avec de l’argent, mais de sa tête qu’il paierait son obstination. Le peuple eut sur-le-champ la guerre qu’il désirait tant. Il marcha au plus vite sur Sienne et perdit à Montaperti cette bataille qui, suivant l’expression de Dante, « teignit en rouge la rivière de l’Arbia. » L’exil fit aux guelfes de longs loisirs pour mé-

  1. Del Reggimento di Firenze. — Œuvres inédites de Guicciardini, t. II, p. 51.