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gner de l’argent pour se livrer aux jouissances de l’art devait être son idéal de la vie humaine. Voilà comment il était préparé à raconter les révolutions de Florence. Qui sait s’il ne jugeait pas de Florence un peu d’après Liverpool?

Osons le dire, l’optimisme déclaré de Roscoe le recommandait dans un temps où, par un penchant bien contraire à celui qui règne aujourd’hui, on aimait à se persuader qu’il y avait peu de chose à faire et que tout était à peu près bien. En Italie, malgré la décadence progressive de l’art, cet optimisme plaisait à ceux qui se contentaient de vivre de souvenirs et qu’inquiétaient les tentatives de régénération. Dans le reste de l’Europe, beaucoup d’esprits moins exigeans pour l’Italie que pour leur propre pays trouvaient naturel qu’il y eût une contrée offerte en sacrifice au culte du beau, une sorte de patrie du dilettantisme; mais les livres de Roscoe aboutissaient à l’apologie d’un despotisme lettré et artistique, à la glorification des Médicis. Voilà ce qui, dans l’état présent des choses, est devenu tout simplement insoutenable. Non-seulement M. Adolphus Trollope dévoile, mais il étale les côtés faibles ou odieux de ces magnifiques qui ont préparé la ruine de leur pays, de ces pères de la patrie qui l’ont réduite en servitude. Cependant il ne fait pas, comme M. Giudici, l’apologie des Florentins, de la république. Au lieu d’attribuer tous leurs malheurs à la fatalité, il montre leurs fautes; il les juge à son point de vue d’Anglais. À ce même point de vue, il explique ces émeutes, ces factions, surtout ces termes de guelfes et de gibelins, que l’on comprend mal, parce qu’on veut les faire servir à des intérêts actuels.

Ce que nous appelons les idées anglaises de M. Trollope sur Florence peut se ramener à des analogies et à des dissemblances qu’il découvre entre ce peuple et le peuple anglais. Le lecteur s’attend bien à ce que ces comparaisons ne soient pas au désavantage de la Grande-Bretagne. Le récit tourne même souvent à la leçon, et l’auteur nous a rappelé parfois ces Anglais voyageurs qui voient et jugent tout, qui sont bien aises de vivre sur le continent, mais à la condition d’être rarement contens, qui saisissent toutes les occasions de montrer comment les choses se passent beaucoup mieux en Angleterre. On peut même dire qu’il y a dans ces quatre gros volumes une sorte de cours de droit constitutionnel britannique appliqué à l’étude de l’Italie d’autrefois. Nous avouons que cette tendance à un enseignement ne nous a pas déplu; elle mêle des idées aux faits, elle place à côté de l’histoire la physionomie et le caractère national de l’historien.

Pour commencer par les similitudes que M. Trollope s’attache à relever, Florence a occupé dans l’Europe une position analogue à