Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 67.djvu/141

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui plaît à nos voisins, grands amis, comme on sait, de la division du travail en toute chose, n’est pas d’un caractère assez général pour attirer l’attention du public français ; mais on peut dire que, par son livre sur Florence, l’auteur s’est élevé à la dignité d’historien. Il convient aussi de rappeler qu’il a débuté dans un genre qui était un domaine de famille : fils et frère de romanciers, il a fait des romans, médiocre préparation à l’histoire, je l’avoue, et il n’en a pas oublié tout à fait les procédés. Heureusement il suivait un exemple maternel, non un penchant particulier, et il y a telle manière d’écrire des romans, surtout en Angleterre, qui ne fait pas perdre le goût et le sens de la vérité.

Notre intention n’est pas de repasser, même en courant, les événemens de l’histoire de Florence. Bien ou mal, elle a été trop souvent racontée. Qui n’a pas lu en effet la merveilleuse biographie de ce petit peuple, de cette poignée d’hommes enfermés dans l’enceinte d’une ville de troisième ou quatrième ordre, qui a presque possédé le monopole du commerce du monde et servi de banque à tout l’Occident, qui a créé la poésie et tout l’art moderne, qui a fondé la science politique et renouvelé l’histoire ? Qui n’a pas admiré avec surprise ce point lumineux, suivant l’expression de M. Villari, s’allumant au déclin du moyen âge pour éclairer l’Europe encore barbare ? Nous voulons laisser de côté la suite des faits et dégager dans le récit, trop abondant peut-être, de M. Adolphus Trollope les idées qui en forment la substance. Vivement frappé de la rapide évolution et du triste retour des choses italiennes en 1848, il a reporté sa pensée vers le temps où l’Italie était libre, et, choisissant pour le champ de ses études cette Florence autrefois et aujourd’hui encore le cerveau et l’intelligence de l’Italie, il s’est demandé pourquoi cette liberté brillante, vigoureuse, n’avait point duré. C’était une histoire ayant un commencement, un milieu et aussi, hélas ! une fin. Quatre siècles, pas plus, renfermaient tout cela. Il se mit à l’œuvre il y a dix-huit ans, et, animé d’un amour austère pour la noble cité, il chercha les causes de ce déclin précoce, de cette ruine qui s’accomplissait en 1531, à l’époque précise où tout était en Europe renaissance, jeunesse, enfantement laborieux, mais fécond. Avec ce point de départ, on ne s’étonnera pas qu’il soit arrivé à des jugemens sévères, où les lecteurs italiens ne trouveront pas ce parfum de louanges auquel leurs écrivains les ont trop habitués.

Certes M. Trollope a rencontré sur sa route plusieurs historiens italiens de nos jours. Il en est un surtout, moins connu, ce me semble, en France qu’il ne mérite de l’être, M. Emiliani-Giudici, auteur d’une Histoire des communes de son pays et d’une Histoire de la littérature italienne. La Storia dei Comuni italiani em-