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Nous lisons d’un cœur plus léger la partie du discours impérial où le souverain entretient la France du développement des institutions. C’est en bon langage qu’il définit notre tâche présente et nous invite à former nos mœurs publiques à la pratique d’institutions plus libérales. L’empereur associe fermement les succès de la liberté à l’honneur du pays. « Il est digne, dit-il, de vous et de moi, de faire une plus large application de ces grands principes qui sont la gloire de la France. » On ne peut que faire des vœux pour que de telles paroles exercent une influence persuasive sur les agens grands et petits du pouvoir et sur les sénateurs et les députés à qui elles ont été spécialement adressées. Il y a longtemps en effet que l’opposition a fait son profit des vérités qu’elles expriment, et l’on ne prêche point de vieux convertis. L’allusion de l’empereur au mouvement libéral était attendue par les initiés comme le point dramatique de la séance d’ouverture. D’avance on parlait d’une satisfaction que l’empereur donnerait au sénat et à la grosse majorité de la chambre, qui se sont trouvés un peu distancés par le libéralisme du 19 janvier. Les blessures de ces retardataires involontaires seraient, disait-on, pansées avec sollicitude par la harangue impériale. On donnerait à ceux que leurs adversaires appellent des réactionnaires de tels témoignages que la manifestation en équivaudrait à une défaite complète du tiers-parti. Les correspondances des journaux étrangers annonçaient déjà ces jeux de scène. Le discours impérial n’a point réalisé ces futiles prédictions. Il confirme et accentue la lettre du 19 janvier. On nous rapporte en effet que les réactionnaires se sentent battus, et que le tiers-parti se tient pour triomphant.

Au fait cependant, après le discours de l’empereur comme après les actes du 19 janvier, le problème politique posé au pays est toujours le même : quelle est la portée réelle des mesures inaugurées ? Par quels moyens ces mesurés, exactement interprétées et sincèrement appliquées, établiront-elles l’action du pays sur le pouvoir exécutif ? Quel usage y a-t-il lieu de faire dans cette session des prérogatives du corps législatif pour l’étude, la direction ou la solution des questions pendantes ?

Seules, les discussions du corps législatif pourront édifier le pays sur la signification pratique du programme du 19 janvier. Laissons de côté, pour l’instant, les questions relatives à la presse et au droit de réunion, qu’on ne pourra apprécier avec justesse et utilité que lorsque les projets de loi du gouvernement auront été publiés. La question de premier ordre que l’initiative impériale a voulu établir sur de nouvelles bases est celle des rapports qui doivent unir l’action du gouvernement à l’action des corps délibérans, et notamment de l’assemblée représentative. Ce que l’on a voulu faire et ce que l’on aura fait réellement sur ce point ne sera bien compris et ne pourra laisser d’idée nette dans l’esprit du public qu’après un grand débat contradictoire. C’est là qu’il faut, avant tout, que le terrain soit affermi et déterminé, c’est là qu’est la question intérieure par excellence. Cette investigation et cette prise de possession nous paraissent donc devoir être