Page:Revue des Deux Mondes - 1867 - tome 67.djvu/1003

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 février 1867.

Le discours de l’empereur à l’ouverture de la session législative était cette année attendu avec une curiosité bien naturelle. Au dehors et au dedans, des changemens remarquables ont été accomplis depuis la fin de la dernière session, et l’empereur et les chambres se retrouvaient en présence dans des circonstances toutes nouvelles. Le discours du chef de l’état a répondu en effet aux doubles préoccupations qui animaient ses auditeurs et agitent l’opinion publique. L’empereur a parlé des événemens qui ont modifié la situation de l’Europe, et il a caractérisé le développement constitutionnel annoncé dans la lettre du 19 janvier. Nous sommes peu enclins à commenter l’appréciation des événemens d’Allemagne par laquelle s’ouvre le discours impérial. Nous ne sommes point de ceux qui se résignent à tous les faits qui pourraient se classer sous les prédictions vagues, flottantes, emphatiques, du prophète de Saint-Hélène. Quand il était en état de dicter des lois à l’Europe, Napoléon n’avait jamais eu l’idée de laisser concentrer l’Allemagne géographique dans l’agglomération prussienne ; il avait l’habitude, et nous ne l’en louons point, de mériter la Prusse par un autre chemin, et ne se serait certes jamais attendu à devenir le précurseur de : M. de Bismark. L’empereur a eu parfaitement raison de dire que le désir de la France avait été de rester étrangère à la guerre d’Allemagne ; c’est pour cela qu’elle n’avait point entendu sans une certaine inquiétude le mâle appel du discours d’Auxerre. Cependant, tout en voulant la paix, la France avait une si haute idée du prestige de son gouvernement qu’elle espérait que nous pouvions prévenir la guerre germanique par une décision opportune de notre politique. Si d’ailleurs la voix de la France a eu assez d’influence pour arrêter le vainqueur aux portes de Vienne, nous n’avons pas été sans ressentir à notre tour l’influence de la révolution accomplie en Allemagne, puisque cette révolution nous oblige à réformer nos institutions militaires, et nous impose des sacrifices aussi onéreux qu’inattendus.