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guliers remparts en vérité et bien incapables d’une pareille défense ! Faut-il répéter d’ailleurs que les problèmes de l’âme ne sont nullement en cause dans les théories contre lesquelles M. Hirn essaie de se prémunir ? Au milieu des transformations matérielles, des causes actives par elles-mêmes peuvent intervenir, et nous en avons indiqué des exemples en marquant la nature et les limites de cette intervention. C’est assez pour laisser le champ libre à toutes les solutions de la métaphysique.

Après avoir montré comment notre hypothèse bannit les entités fallacieuses dont la physique peut être embarrassée, est-il besoin de la défendre elle-même contre les conséquences excessives qu’on en pourrait tirer ? Quand on admet une hypothèse scientifique, veut-on dire qu’on se croie en possession de la réalité des choses ? Ce serait trop oublier tant de systèmes qui se sont écroulés les uns sur les autres ! Ce serait trop oublier que le physicien, perdu dans l’infini du temps et de l’espace, ne saisit que des rapports phénoménaux, et n’arrive pas même à concevoir l’absolu ! Qu’est-ce donc que grouper dans une hypothèse toutes nos idées sur la nature ? C’est nous donner le moyen d’éclairer nos connaissances les unes par les autres, d’établir entre les faits des rapprochemens féconds et de faire ainsi jaillir des sources de découvertes. Ce qui importe, à proprement parler, dans une semblable hypothèse, ce n’est pas le tableau qu’elle donne de la nature, c’est la méthode qu’elle trace au physicien. À ce point de vue, le système que nous avons exposé se résume admirablement dans un principe unique ; il s’en dégage un critérium lumineux dont l’efficacité s’est déjà révélée dans les recherches scientifiques.

Ce précieux symbole a un nom dans le langage de la mécanique ; mais, avant de le prononcer, hâtons-nous de rappeler ce que nous avons dit sur la difficulté qu’on rencontre à exprimer des idées nouvelles avec des mots anciens. Par une cruelle ironie des choses, nous allons retrouver un terme dont nous eussions voulu nous affranchir en ce moment à cause des équivoques qu’il renferme. Jamais nous n’avons senti plus vivement le besoin d’employer une expression nouvelle, et si nous ne le faisons pas, c’est que notre déclaration à cet égard pourra sans doute nous tenir lieu d’un néologisme. Nous concevons dans l’univers une quantité immuable d’atomes matériels animés de vitesse et qui se groupent en systèmes pour former des molécules et des corps. Chacun de ces atomes et de ces systèmes, en raison de sa masse et de sa vitesse, possède ce que nous avons appelé jusqu’ici une force vive, ce que nous pourrons, — si nous voulons éviter ce terme ambigu, — appeler une énergie, sans gagner beaucoup au change. Voilà les expres-