Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 66.djvu/942

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’oxygène qui forment la vapeur d’eau ; un dernier pas serait à faire : en surchauffant ces molécules mêmes, on arriverait sans doute à les faire éclater et on les résoudrait en atomes éthérés, soit directement, soit par degrés successifs. Voici donc comment se présente à nos yeux l’échelle de l’agrégation matérielle. À l’état le plus ténu, l’atome éthéré ; vient ensuite la molécule élémentaire des corps réputés simples ; ces molécules se combinent, et il en résulte des molécules composées ou chimiques. Celles-ci se réunissent à leur tour et forment ainsi les particules des corps.

On conçoit, au moins d’une façon générale, comment l’agrégation d’une molécule élémentaire peut résulter de l’action d’un milieu et des mouvemens relatifs de ses parties. Sans que nous insistions sur ce point, on peut se représenter cet ordre de phénomènes à l’aide de quelques exemples grossiers, de quelques analogies lointaines. C’est ainsi que la pression de l’air maintient les uns contre les autres les segmens d’une sphère creuse. C’est ainsi qu’une veine liquide prend souvent l’aspect et la consistance d’un solide par le mouvement commun de ses parties. C’est ainsi que nous voyons quelquefois des tourbillons de vent ou de poussière parcourir de grands espaces sans se déformer, parce que les élémens qui les composent sont animés d’une même vitesse angulaire.

Aussi bien, si l’on serre ces questions de près, la physique nouvelle ne les éclaire que de quelques aperçus fugitifs. On lui demanderait en vain de montrer par des exemples décisifs comment les propriétés diverses des molécules naissent de la combinaison des mouvemens. Cette diversité, qui sort pour ainsi dire du sein même de la matière, fut toujours et demeure encore un des plus étranges phénomènes que l’homme puisse aborder. La science ancienne voyait dans les corps une sorte de dualité ; elle imaginait d’une part une matière dépourvue de qualités propres, mais capable de les recevoir toutes, et de l’autre des essences qui s’ajoutaient aux corps pour en constituer les propriétés ; elle supposait que ces essences pouvaient être isolées par la distillation, et l’alchimiste s’efforçait de les recueillir pour les infuser à son gré dans la matière. Après la doctrine des essences, on vit prévaloir l’idée des formes ; une esthétique cachée déterminait au sein des corps les moules où se produisait la diversité moléculaire. Notons que cette conception nous rapproche de celle du mouvement. L’idée du mouvement ne va pas en effet sans une certaine idée de forme ; la géométrie détermine les courbes et les surfaces idéales où se produisent et se limitent les mouvemens. La physique nouvelle rapporte au mouvement la structure et les propriétés des molécules ; elle tire cette conclusion de l’ensemble des lois qu’elle a trouvées ; elle s’y croit