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Rome de son temps. Il nous a déjà décrit le portique de Pompée et le temple d’Apollon ; il nous promène dans le Champ de Mars, ce lieu de rendez-vous des jeunes Romains, — et où les dames romaines venaient aussi se montrer, — sous les portiques, au théâtre, si dangereux pour la vertu, et où la sienne ne savait résister ni à une attitude gracieuse, ni à un chant sur la scène, ni près de lui à une robe entr’ouverte ou à de beaux cheveux.

Heureusement il n’entre point dans mon sujet, car je serais fort embarrassé pour le faire, d’exposer tous les préceptes dont se compose la science qu’Ovide a appelée l’Art d’aimer, et où le véritable amour, qui n’est pas un art et qui ne s’enseigne pas, tient très peu de place ; mais il en est que je puis et que je dois mentionner ici, car ils se rapportent aux divers monumens de Rome dont j’écris l’histoire.

Au premier rang sont le grand cirque et les trois théâtres de Rome, toujours désignés ainsi, ce qui prouve que nous les connaissons tous : Ovide, dans l’intérêt de l’art qu’il enseigne, recommande de les fréquenter. Les instructions qu’il donne à ce sujet au disciple qu’il veut former contiennent d’assez curieux renseignemens sur les mœurs de la ville impériale et les habitudes de la galanterie romaine.

D’abord on voit que les femmes accouraient en foule au théâtre et au cirque ; « elles s’y précipitaient, dit-il, comme des légions de fourmis et des essaims d’abeilles, » et, malgré les prescriptions d’Auguste, qui les avaient reléguées dans ce que nous appelons le paradis, y étaient assises à côté des hommes, auxquels Ovide enseigne à tirer parti de ce rapprochement forcé :

Proximus a domina, nullo prohibente, sedeto.


Il nous apprend aussi, ce que nous aurions peut-être deviné, qu’elles venaient au théâtre très parées, autant pour être vues que pour voir.

Sic ruit in celebres cultissima fœmina ludos.
……..
Spectatum veniunt, veniunt spectentur et ipsœ.

Aux processions du cirque, dans lesquelles on promenait les images des dieux, que chacun applaudissait plus ou moins selon sa dévotion particulière, Ovide recommande à son amoureux d’applaudir surtout quand passera la statue de Vénus. Si un peu de poussière tombe sur le vêtement blanc de sa belle voisine, qu’il s’empresse de l’en débarrasser, et qu’il fasse de même, s’il n’y a pas de poussière :