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La tradition rapporte que Newton, retiré à la campagne pendant l’année 1666, vit une pomme tomber d’un arbre ; dirigeant alors sa pensée vers le système du monde, il conçut l’idée que cette force qui attirait les corps vers la surface du sol était celle qui faisait tourner la lune autour de la terre et les planètes autour du soleil. Les lois de Kepler lui fournirent d’admirables données dont il tira les conséquences analytiques. De la loi des aires proportionnelles aux temps, il conclut que chaque planète est soumise à une attraction constamment dirigée vers le soleil. Du mouvement elliptique, il conclut que pour une même planète la tendance vers le soleil varie d’un point à l’autre de l’orbite en raison inverse des carrés des distances. Il avait donc le moyen de comparer les gravitations d’une même planète vers le soleil en deux points quelconques de son orbite ; mais cela n’était pas suffisant, il fallait de plus savoir comparer les gravitations de deux planètes différentes, car il pouvait se faire que d’une planète à l’autre il y eût un changement dans l’attraction. La troisième loi de Kepler, la proportionnalité entre les carrés des temps et les cubes des moyennes distances, permit à Newton de compléter sa théorie et de ramener toutes les attractions à l’unité ; cette loi signifie en effet que toutes les planètes, à masses et à distances égales, seraient également attirées par le soleil. La même égalité de pesanteur existe dans tous les systèmes de satellites, et Newton s’en assura pour la lune ainsi que pour les satellites de Jupiter.

C’est par l’attraction lunaire qu’il commença la vérification de sa théorie. Il s’agissait de déterminer si la force qui dévie sans cesse la lune vers la terre est identique à la pesanteur terrestre. Dans ce cas, les actions de ces forces rapportées au centre de la terre devaient être dans le rapport du rayon terrestre pris pour unité au carré de la distance qui sépare les deux astres. Newton entreprit cette vérification en partant des expériences de Galilée sur les corps graves ; mais on n’avait alors qu’une mesure inexacte du rayon terrestre, et le grand géomètre vit le résultat de son calcul en désaccord avec son hypothèse. Persuadé dès lors que des forces inconnues s’ajoutaient à la pesanteur lunaire, il renonça pour un temps à ses idées. Quelques années plus tard, l’Académie des Sciences venant de faire mesurer en France un degré du méridien et une nouvelle mesure du rayon terrestre étant résultée de ce travail, Newton reprit ses recherches, et il trouva cette fois que la lune était retenue dans son orbite par le seul pouvoir de la gravité. La vue de ce résultat, dont il avait désespéré, lui causa, au dire de ses biographes, une si vive excitation, qu’il ne put vérifier son calcul et qu’il dut en confier le soin à un ami. Ainsi une même loi, une loi unique et grandiose,