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sur les observations de Brahé et par mes propres recherches que je croyais d’abord rêver et faire quelque pétition de principe. Mais plus de doute, c’est une proposition très certaine et très exacte que le rapport entre les temps périodiques de deux planètes est précisément sesquialtère du rapport des moyennes distances[1]. » Ainsi Kepler avait déterminé, dans trois grandes lois de fait, l’orbe des planètes et les conditions de leur mouvement. Il était si près du principe d’où ces lois dérivent, qu’on peut se demander s’il ne l’a pas pressenti. Doué d’une ardente imagination, il chercha naturellement la cause de ces mouvemens dont il avait trouvé la nature; mais sous ce rapport ses ouvrages ne nous montrent guère que les exubérances de l’ancienne fantaisie astrologique : les vieilles théories pythagoriciennes, les mystérieuses propriétés des nombres y jouent un rôle singulier, et l’on est étonné des rêves bizarres qui se trouvent mêlés aux calculs les plus solides. Il eut cependant sa théorie sur l’attraction solaire. Il donnait au soleil un mouvement de rotation sur un axe perpendiculaire à l’écliptique, pressentant ainsi une vérité que l’expérience ne devait prouver que bien plus tard; des espèces immatérielles émanées de cet astre dans le plan de son équateur, douées d’une activité décroissante en raison des distances, faisaient participer chaque planète à ce mouvement circulaire. La planète entraînée par cette effluence transcendante suivait la rotation du soleil, et en même temps, par une sorte d’instinct ou de magnétisme, elle s’approchait et s’éloignait alternativement de l’astre central, tantôt s’élevant au-dessus de l’équateur solaire et tantôt s’abaissant au-dessous.

En même temps que Kepler déterminait les conditions du mouvement planétaire, Galilée trouvait la loi de l’accélération des corps qui tombent librement à terre ou qui glissent sur des plans inclinés; il établissait les propriétés générales du mouvement uniformément accéléré. Les lois de la pesanteur à la surface de la terre constituaient les premières bases de la mécanique. Bientôt Huyghens perfectionnait la théorie du pendule et donnait par sa Théorie des forces centrales dans le cercle de brillantes indications sur la force centrifuge. Tels sont les principaux élémens d’où Newton fit sortir la grande découverte de l’attraction universelle. Les méthodes du calcul venaient aussi de s’enrichir de mémorables inventions : Descartes avait fondé la géométrie analytique, et Fermât venait de poser les principes du calcul infinitésimal. Ainsi les travaux d’un demi-siècle fécond en grands géomètres et en grands astronomes concoururent à réunir les matériaux que Newton sut mettre en œuvre.

  1. Le demi-grand axe d’une orbite planétaire est souvent appelé moyenne distance. C’est en effet la moyenne entre la plus grande et la plus petite distance de la planète au soleil.