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la Terre, Mars, Jupiter et Saturne, et il les animait elles-mêmes d’un mouvement de rotation sur leurs axes. Bien que dédié au pape Paul III, le livre des Révolutions célestes fut condamné comme contraire au texte des Écritures. Soit qu’il voulût échapper aux censures de la cour romaine, soit qu’il eût l’ambition d’attacher son nom à un système qui lui fût propre, Tycho-Brahé adopta une hypothèse éclectique. Il priva la terre de son double mouvement, et fit tourner autour d’elle la lune et le soleil conformément à la doctrine de Ptolémée ; mais il admit en même temps la rotation de Mercure, de Vénus, de Mars, de Jupiter et de Saturne autour du soleil. Malgré cette théorie bizarre, Tycho-Brahé est un des fondateurs de la science céleste. Aidé de disciples et de collaborateurs nombreux dans la petite cité astronomique qu’il avait fondée, il fouilla le ciel dans tous les sens, et accumula au sujet des mouvemens planétaires une quantité prodigieuse d’observations qui servirent de base aux travaux de Kepler.

On connaît les trois grandes lois auxquelles Kepler a donné son nom. Copernic et Tycho-Brahé avaient conservé la croyance des anciens, qui regardaient la marche des planètes comme circulaire. C’est sur cette opinion que porta d’abord l’examen de Kepler. En comparant les observations de Tycho sur les mouvemens de la planète Mars avec celles qu’il avait faites lui-même, il s’assura que l’orbite de cet astre n’était pas circulaire ; après avoir essayé inutilement plusieurs hypothèses, il reconnut enfin qu’il pouvait satisfaire au résultat de ses calculs en supposant que l’orbite de Mars était une ellipse dont le soleil occupait un foyer. Du même coup il trouva que les aires décrites autour du foyer par le rayon vecteur sont égales dans des temps égaux. Telles sont les deux premières lois indiquées par Kepler. Après les avoir vérifiées sur plusieurs planètes, il les publia en 1609 dans un mémoire De motibus stellœ Martis. La troisième loi consiste en ce que les carrés des temps des révolutions planétaires sont proportionnels aux cubes des grands axes des orbites. C’est celle qui a coûté le plus d’efforts au génie persévérant de Kepler. La manière dont il l’annonce dans son traité Harmonices mundi se ressent de l’enthousiasme que lui causa une pareille découverte. « Après avoir trouvé, dit-il, les vraies dimensions des orbites par les observations de Brahé et par l’effort continu d’un long travail, enfin j’ai découvert la proportion des temps périodiques à l’étendue de ces orbites… Et si vous voulez en savoir la date précise, c’est le 8 mars de cette année 1618 que, d’abord conçue dans mon esprit, puis essayée maladroitement dans des calculs, partant rejetée comme fausse, puis reproduite le 15 mai avec une nouvelle énergie, elle a surmonté les ténèbres de mon intelligence, si pleinement confirmée par mon travail de dix-sept ans