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fléchit incessamment le cours. C’est cet équilibre dynamique, établi par les astronomes en dehors de toute notion de l’éther, qui a paru compromis dès que les physiciens ont admis l’existence d’un milieu universel ; l’éther devait déranger cette pondération de deux forces instituée sans son concours. Si maintenant l’on reconnaît qu’il est l’origine de l’une au moins des deux forces, la question change de face. On ne peut plus dire qu’il soit resté étranger à l’établissement des équilibres célestes, et il se trouve au contraire qu’on l’y a fait entrer sans le connaître. Qu’on ne vienne plus dès lors parler d’une résistance nouvelle introduite par l’éther ! Sa façon de résister aux mouvemens célestes, c’est précisément de déterminer l’attraction et d’infléchir ainsi le cours des astres. Nous disons que l’éther produit la gravité, qu’il pousse les corps célestes dans un certain sens ; c’est donc que nous avons tenu compte de toutes les actions qu’il exerce, des chocs qu’il donne de tous les côtés. Ce serait faire un double emploi que d’introduire une seconde fois dans nos calculs, sous forme de résistance au mouvement, les chocs que reçoivent les astres du côté où ils se meuvent. S’il en est ainsi, s’il est vrai de dire que l’éther ne peut être considéré à la fois comme une cause du mouvement sidéral et comme un obstacle à ce mouvement, nous n’avons plus à nous étonner que l’astronomie ne trouve en aucun point des cieux la marque d’un milieu résistant.


X.

Il est donc possible de faire rentrer dans le cadre de notre hypothèse la cause qui produit la gravité des corps ; mais c’est là, — nous ne pouvons nous le dissimuler, — un des points les plus difficiles que nous ayons à traiter. Telles sont les habitudes de notre esprit que l’origine de l’attraction nous paraît inabordable. Rattacher cette conception à une idée plus générale semble une entreprise chimérique. Pour appuyer la démonstration que nous avons tentée à cet égard, il ne sera pas inutile que nous rappelions par quelques traits rapides comment est née, comment s’est développée cette grande idée de l’attraction universelle. En indiquant le rôle qu’elle a joué dans l’histoire de nos sciences, nous marquerons mieux la place qu’elle doit tenir dans la physique contemporaine. En voyant comment l’esprit humain s’est élevé à une loi si haute, il nous semblera qu’il peut monter encore, et que, pour avoir expliqué tant de choses, la gravité n’est pas inexplicable.

L’astronomie moderne commence au livre des Révolutions célestes, que Copernic publia en 1543. Copernic, renversant la doctrine de Ptolémée, plaçait le soleil au centre du monde ; il faisait tourner autour de cet astre les six planètes alors connues, Mercure, Vénus,