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de l’érudition pure, entrent de plus en plus dans le champ des applications. C’est la plus haute réalité que puisse atteindre notre observation, c’est l’esprit humain qu’elles révèlent à lui-même dans ses procédés intimes, dans sa puissance de production spontanée, dans son épanouissement naturel. Nosita res agitur. Si l’on peut espérer qu’à force de persévérance l’homme parviendra un jour à arracher au mystère qui l’entoure quelques révélations scientifiquement démontrables sur son origine et sa destinée, c’est par cette voie et non par d’autres qu’il les obtiendra. Les sciences religieuses proprement dites ne sont pas moins intéressées que l’histoire et la littérature aux résultats de ces belles études. Non-seulement elles viennent en aide à la critique religieuse dont elles confirment les résultats acquis, justifient la méthode, éclairent les recherches ; elles prouvent encore que de lui-même l’esprit humain est poète, c’est-à-dire qu’il a l’intuition d’un ordre supérieur de choses qui, une fois aperçu, colore de ses reflets les réalités au sein desquelles nous vivons, et les transfigure. Cette sublime faculté de seconde vue, de perception poétique des choses, ne se déploie, il est vrai, que dans l’élite de notre espèce ; mais c’est en vain que les inspirés de la poésie et de l’art multiplieraient leurs belles œuvres, s’ils ne rencontraient pas d’écho dans la foule, s’il n’y avait pas en chacun de nous un poète et un artiste qui s’ignore. N’est-il pas remarquable que plus on remonte vers les anciens âges, plus le travail personnel du génie, sans être jamais nul, suppose le travail collectif du peuple tout entier ? Il en est de même dans une autre sphère où l’esprit humain s’élève plus universellement et plus directement encore que dans la poésie vers le monde supérieur qui l’attire ; je veux parler de la religion. C’est en vain que les révélateurs, ceux qui sentent plus vivement que les autres et qui énoncent avec plus de force ce qu’éprouve l’âme dans son contact avec la vie infinie, c’est en vain qu’ils feraient résonner à nos oreilles leurs immortelles paroles, s’il n’y avait pas en chacun de nous un fils de Dieu qui sommeille. Tout ce qui nous montre l’esprit humain s’élevant spontanément vers le sublime, le parfait, l’idéal, est une révélation de sa vraie destinée et du vrai Dieu qui la lui fait.


ALBERT REVILLE.