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Ainsi, malgré les déclarations de Frédéric, malgré la neutralité de la Saxe, malgré le transitus innoxius, la guerre a commencé. Dès cette heure, les événemens se précipitent avec une rapidité singulière. Le roi de Prusse, le prince de Brunswick, le duc de Bevern, commandant les trois corps d’armée, occupent d’un bout à l’autre tout le nord de la Saxe ; ils marchent vers Dresde, vers le camp de Pirna, vers la frontière de Bohême. Le roi de Pologne est au camp avec son armée ; il a formé un instant le projet de devancer les Prussiens vers la Bohême et de se réunir aux troupes impériales que commande le maréchal Broune, mais les hussards de Frédéric occupent déjà les chemins. Auguste III, qui ne sortait qu’à regret de sa neutralité, restera donc enfermé dans cette grande forteresse naturelle des plateaux de Pirna, où il peut défier tous les assauts. Défiera-t-on aussi la famine ? Ces troupes ont été entassées bien à la hâte, on n’a pas eu le temps de pourvoir aux approvisionnemens ; si les Prussiens, comme on peut le craindre, se décident à bloquer le camp de Pirna, que deviendra-t-on au bout de quelques semaines ? Dès le 6 septembre, on n’a plus le moindre doute sur les intentions du roi de Prusse ; une lettre de sa main, en date du 5, annonce au roi de Pologne que ses états ne seront pas évacués de si tôt. Pourquoi ? « Pour cent raisons de guerre qu’il serait ennuyeux d’alléguer. » Il est évident que Frédéric a besoin de la Saxe, qu’il veut en faire sa base d’opérations, qu’il ne s’engagera pas dans une guerre contre l’Autriche en laissant derrière lui l’armée et le gouvernement saxons, un gouvernement à demi autrichien, disait-il, et complice de tous ses ennemis. C’est le 6 septembre que la lettre du roi de Prusse est arrivée au camp de Pirna ; le 7, des courriers partent pour toutes les capitales de l’Europe. A Vienne, la Saxe implore le secours de l’impératrice contre le violateur des lois de l’empire ; à Saint-Pétersbourg, à Stockholm, à Paris, elle dénonce le perturbateur de la paix générale, le prince factieux qui déchire le traité de Westphalie. Il était temps que les courriers partissent ; le surlendemain, 9 septembre, les trois divisions prussiennes ayant opéré leur jonction, l’armée saxonne était bloquée dans le camp de Pirna par les soixante-dix mille hommes de Frédéric.

« Les Saxons faisaient retentir toute l’Europe de leurs cris ; ils répandaient les bruits les plus injurieux aux Prussiens sur leur invasion dans cet électorat : il était nécessaire de désabuser le public de toutes ces calomnies, qui, n’étant point réfutées, s’accréditaient et remplissaient le monde de préjugés contre la conduite du roi. Depuis longtemps, le roi possédait la copie des traités du roi de Pologne et des relations de ses ministres aux cours étrangères. Quoique ces pièces justifiassent pleinement les entreprises de la