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« Les différends survenus entre votre majesté et l’impératrice-reine ne me regardent en aucune façon. De plus votre majesté a fait faire, comme elle m’en instruit, de nouvelles représentations à la cour de Vienne, et elle se réglera en conséquence de la réponse qu’elle en recevra. Mais j’aurais dû me flatter qu’en prenant le passage innocent par mes états suivant les constitutions de l’empire connues à votre majesté, elle ne les occuperait pas, et qu’en se conformant à la déclaration qu’elle a fait publier, — « qu’elle n’a aucune intention de me faire la guerre, ni de traiter mes états comme des pays ennemis, » — elle en agirait au contraire avec les ménagemens J’un prince ami et bien intentionné. Au lieu de cela, les troupes de votre majesté y font des exactions, s’emparent de mes caisses et les emportent, viennent de démolir une partie de ma forteresse de Wittemberg et arrêtent mes officiers-généraux et autres quand elles les rencontrent. J’en appelle aux sentimens de justice et de probité dont votre majesté fait profession, et je suis persuadé qu’elle ne voudra pas que moi et mes états devions souffrir des différends de votre majesté avec l’impératrice-reine. Je désirerais au reste que votre majesté voulût me donner à connaître les noirs complots dont elle fait mention dans sa lettre, et que j’ai ignorés jusqu’à présent. Je prie donc votre majesté de faire attention à mes représentations et d’évacuer mes états en en faisant sortir ses troupes le plus tôt possible. Je suis prêt à donner à votre majesté toutes les sûretés qu’elle pourra exiger de moi, convenables à l’équité et à ma dignité ; mais comme le temps presse, et que je ne saurais, dans la position violente où je me trouve, voir approcher encore de plus près des troupes qui en quelque sorte agissent en ennemis et qui me font appréhender par là des suites encore plus fâcheuses, je prends le parti de me rendre à mon armée pour y recevoir au plus tôt les explications ultérieures de votre majesté, lui protestant en même temps encore une fois que mon intention n’est nullement de m’éloigner d’une convention de neutralité avec elle, mais que plutôt j’y donnerai les mains avec une satisfaction parfaite. Je mets toute confiance dans l’amitié de votre majesté, lui réitère les protestations de la mienne, et suis avec la plus parfaite considération, de votre majesté,

« Le bon frère,
« A. R.
« À Dresde, le 3 septembre 1756. »


Au moment où le roi de Pologne sommait ainsi le roi de Prusse de conformer sa conduite à ses paroles et d’évacuer ses états au plus tôt, selon les règles du transitus innoxius, on entendait retentir à quelques lieues de là le premier coup de feu de la guerre de sept ans. Un lieutenant-colonel de hussards, sorti des avant-postes de l’armée prussienne, s’était présenté devant la forteresse de Stolpea, avait désarmé les sentinelles en signifiant au commandant l’ordre de lui livrer la place, et comme celui-ci faisait mine de résister, il lui avait tiré à bout portant un coup de pistolet au flanc gauche. Quelques instans après la forteresse était au pouvoir de l’ennemi.