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conséquences dernières. — C’est donc un fragment d’histoire qui nous est présenté ici, l’histoire des préliminaires de la guerre de sept ans. Un double intérêt l’anime, sans parler du talent de l’auteur. D’abord, ces archives saxonnes si riches, si libéralement ouvertes, et d’où nous sont venus récemment des documens si précieux pour l’étude du XVIIIe siècle, ont permis à M. de Vitzthum de jeter une vive lumière sur des faits et des personnages appréciés jusqu’ici d’une façon peu exacte. Ensuite c’est la politique du cabinet saxon dans ces dernières années, ce sont les sentimens et les vues du parti autrichien que M. de Vitzthum nous révèle en rattachant le XIXe siècle au XVIIIe, l’année 1866 à l’année 1756, M. de Bismark à Frédéric II, M. de Beust à M. de Kaunitz. Il y a là deux œuvres distinctes adroitement mêlées en une seule, une histoire et un pamphlet. L’histoire est neuve, savante, et quoique la philosophie dont elle relève soit absolument fausse, elle impose des obligations nouvelles à qui voudra nous donner le tableau définitif de cette période ; le pamphlet est passionné, amer, injuste. C’est là ce qu’il faut essayer de prouver en débrouillant avec précision ce que l’auteur a confondu à dessein. Commençons par l’histoire.


I.

L’ouvrage de M. de Vitzthum est un mémoire plutôt qu’un récit, un acte d’accusation plutôt qu’une œuvre d’art. L’auteur compulse les archives secrètes du gouvernement saxon en vue d’une thèse à démontrer ; il cite donc beaucoup de pièces inédites, il les cite longuement, minutieusement, et, sans s’interdire çà et là des tableaux qui se gravent dans le souvenir, il laisse à de plus habiles le soin de mettre ses matériaux en œuvre. Son recueil est un dossier d’affaires. C’est parce que ce dossier a manqué jusqu’ici aux historiens que nous ne possédons pas encore une sincère histoire de la guerre de sept ans. À l’entendre, la légende de Frédéric le Grand est complète ; son histoire est encore à faire, du moins l’histoire de sa conduite à la veille des guerres européennes qui ont si profondément divisé l’Allemagne au milieu du XVIIIe siècle et préparé les bouleversemens du XIXe. La guerre de sept ans, aussi bien que la guerre de la succession d’Autriche, était un vaste conflit européen ; on ne l’a étudiée longtemps qu’à un point de vue local. D’où venait le premier narrateur qui en a tracé le récit ? Des rangs de l’armée prussienne. Archenholtz, dans le style naïf des vieilles chroniques, a donné l’image légendaire du royal capitaine, image dramatique et touchante, image qui a séduit toute l’Allemagne, qui est restée populaire, et dans laquelle les jeunes générations