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moins à la gravure que les tableaux flamands, la perfection du dessin pouvant se rendre bien mieux que le charme du coloris et du clair-obscur. Pour exécuter sa grande composition le Triomphe du Christ, de même que pour son Combat des Grecs et des Troyens, Wiertz avait fait d’abord une série d’esquisses au pinceau, au crayon et au fusain, qui sont extrêmement intéressantes à comparer, parce qu’elles permettent de suivre tout le travail préliminaire d’élaboration auquel l’artiste s’est livré. On voit que, fidèle aux traditions de Rubens, il cherche surtout à trouver le mouvement et la disposition des figures, l’harmonie des tons et la distribution de la lumière. Comme son maître de prédilection, il peint d’inspiration, sans le secours des modèles, qui donnent souvent aux personnages une certaine raideur académique, et dont l’emploi a toujours pour effet de refroidir l’élan et de gêner la liberté de la composition.

Le succès de son grand tableau le Triomphe du Christ valut à Wiertz la réalisation de son vœu le plus ardent : la possession d’un atelier assez vaste pour contenir les toiles immenses qu’il voulait couvrir des sujets nouveaux que rêvait son audacieux génie. Il se trouvait à cette époque, 1850, au ministère de l’intérieur, un homme de goût, protecteur éclairé des arts, M. Rogier. Il sut comprendre qu’il pouvait rendre un grand service à l’artiste, à l’art belge et au pays. Il s’engagea au nom de l’état à construire pour Wiertz un atelier dont celui-ci aurait l’usufruit à la condition que les sept grands tableaux déjà exécutés et ceux dont le peintre pourrait disposer ultérieurement en faveur du gouvernement, demeureraient invariablement fixés aux murs du bâtiment, qui deviendrait ainsi un musée national. La construction fut bientôt achevée. Elle est vaste de dimension, mais les matériaux les moins coûteux y ont seuls été employés. Elle est toute en briques, et cependant elle offre un aspect très pittoresque. L’artiste a fait Imiter les ruines de l’un des temples de Pœstum. De puissantes colonnes à moitié détruites se dressent devant l’édifice, dont le mur tout uni disparaît sous un épais manteau de lierre. La vigne vierge recouvre le tout de ses élégans festons, et, dérobant à la vue la pauvreté de la contrefaçon moderne, elle ne laisse apparaître que quelques masses aux lignes imposantes et sévères. On dirait un vaste mausolée complètement envahi par la végétation des ruines. Quand Wiertz eut pris possession de son nouvel atelier, il se livra tout entier à la réalisation des projets qui fermentaient dans son esprit toujours en travail. Il voulut d’abord perfectionner le procédé et arriver à réunir les avantages de la fresque et de l’huile. Le défaut de l’huile pour la composition monumentale est le miroitement qui empêche le spectateur de saisir l’ensemble de l’œuvre. L’inconvénient de la fresque