roche, Scheffer, Delacroix, Decamps, ne sont plus, et peut-on dire qu’ils soient remplacés? D’où provient cette sorte de défaillance? Il serait bien à désirer qu’on pût le dire, car on pourrait espérer en ce cas d’en trouver le remède; mais la question est très complexe, très obscure.
L’indication des causes qui amènent le progrès et la décadence des lettres ou des arts est un problème qui n’a pas encore reçu de solution satisfaisante. On dit souvent que l’industrie, qui a pris de nos jours un si grand développement, exerce une influence mortelle sur la poésie et l’art. Cependant on ne voit pas pourquoi ni comment elle devrait produire cet effet funeste. L’industrie, n’est-ce pas la science mettant les forces de la nature au service de l’homme et l’affranchissant peu à peu des travaux les plus rudes, de manière à lui donner ainsi plus de loisir pour cultiver son esprit et jouir des œuvres d’art? Il serait singulier que la décadence de l’art fût amenée par un progrès qui a pour résultat d’augmenter le nombre de ceux qui peuvent s’y adonner ou le goûter. Dans le passé, c’est toujours le contraire qui a eu lieu. En Flandre, en Hollande, à Venise, à Florence, les époques où fleurirent les arts furent aussi celles où l’industrie et le commerce avaient pris un grand essor. Ce ne sont pas des pays pauvres qui ont donné naissance aux peintres illustres et aux grands sculpteurs. Ainsi on ne peut pas dire que l’industrie ait jamais exercé une action fatale sur la poésie et la peinture. Quand on étudie l’histoire, on reconnaît que l’art dans sa marche obéit à une loi qui lui est propre, loi qui, sans échapper complètement au contre-coup des circonstances politiques et économiques, n’est pas cependant déterminée par celles-ci. Que l’on considère, par exemple, la peinture italienne à partir de Nicolas de Pise. Par Cimabuë, Giotto, Masaccio, le Pérugin, nous la voyons s’avancer de progrès en progrès vers un point de perfection où l’inspiration moderne s’unit aux formes antiques; ayant atteint ce point dans les œuvres inimitables de Léonard de Vinci, de Raphaël, de Michel-Ange, elle descend de cet apogée par une chute lente, mais ininterrompue. C’est bien là une évolution propre qui se poursuit à travers toutes les vicissitudes politiques de l’Italie, et dont celles-ci ne donnent aucunement la raison. Les encouragemens accordés aux arts par les Médicis ont pu favoriser la production de quelques chefs-d’œuvre, ils n’ont pas fait naître les immortels artistes qui les ont créés. Ceux-ci sont venus en leur temps, comme le suprême et naturel épanouissement d’un progrès continu dans l’art du dessin et de la couleur. Le déclin commence ensuite et va s’accélérant sans qu’on puisse en trouver le motif en dehors de l’histoire même de la peinture. Ramenés ainsi à chercher les causes de l’affaissement que nous signalions en commençant