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que c’est un massacre prémédité, que la police qui en a été l’instrument s’est recrutée à dessein de brigands avérés, et que la sécurité des hommes du nord exige qu’on fasse un exemple. — Qu’importe au président? Ces petites considérations ne le touchaient guère : il n’en avait pas moins tué la convention de la Louisiane et joué aux radicaux, ses grands ennemis, le mauvais tour d’empêcher la ratification de leur amendement.

L’indignation fut grande dans les états du nord. Les radicaux ne manquèrent pas de s’en servir en dénonçant la complicité secrète du président Johnson. Le crime était si odieux, si injustifiable, qu’il devait tourner au profit des victimes. S’il était vrai que la légalité de la convention fût douteuse, ses adversaires pouvaient bien contester le caractère officiel de ses délibérations et nier la valeur des mesures qu’elle aurait prises pour ratifier l’amendement; mais ils n’avaient pas le droit, dans un pays de liberté comme l’Amérique, d’empêcher des citoyens de se réunir et d’émettre un avis sur les affaires publiques. Sans même parler du massacre, le maire et ses émeutiers commettaient une bien autre usurpation en se parant d’une autorité souveraine qui n’appartenait qu’au gouverneur, à la cour suprême de la Louisiane et à celle des États-Unis. Les délégués d’ailleurs étaient garantis par le mandat du gouverneur Wells, qui avait convoqué les collèges électoraux. Enfin l’inaction du président et son obstiné silence étaient des preuves trop significatives de l’intérêt qu’il avait pris au complot. — De leur côté, les démocrates et les amis du président n’imaginaient rien de mieux pour se justifier que de rétorquer aux radicaux leur propre accusation. A les en croire, l’affaire de la Nouvelle-Orléans n’était qu’une manœuvre habile du parti républicain, une de ces comédies à sensation que les partis savent si bien inventer en Amérique pour frapper l’imagination populaire à la veille des grandes élections. Ils ne tarissaient pas sur l’atroce perfidie de ces radicaux de la Louisiane qui apparemment s’étaient fait massacrer tout exprès pour faire pièce au président.

Cependant la grande convention johnsonienne s’organisait à Philadelphie. Dès le mois de juin dernier, un certain nombre d’amis du président, s’intitulant le comité national unioniste, avaient convoqué pour le 14 août suivant une assemblée de délégués de tous les états et territoires, comprenant deux délégués pour chaque circonscription électorale, deux pour chaque territoire, deux pour le district de Colombie, plus quatre délégués at large pour chaque état dans son ensemble. Devaient prendre part à l’élection de ces délégués tous les citoyens qui voulaient soutenir l’administration et qui adhéraient aux principes défendus par elle, à savoir : l’indissolubilité et la perpétuité de l’Union, l’égalité des