Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 66.djvu/79

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par cette rue au temple de Vesta[1], et de là le malheureux Horace, toujours traîné par son bourreau, le suit jusque dans le Transtevere.

Bien qu’Horace ait dit un jour : « Capricieux, j’aime Rome à Tibur et Tibur à Rome, » on voit que réellement il se déplaisait dans la vie agitée de la ville, et aimait la paix et la liberté des champs.

O rus, quando ego to aspiciam ?…


est un cri parti du cœur. « Tu sais, dit-il à l’intendant de son habitation rustique, démentant l’inconstance dont il s’accusait tout à l’heure, que, toujours sur ce point d’accord avec moi-même, je quitte, à regret la campagne toutes les fois que d’ennuyeuses affaires m’appellent à Rome. » C’est donc à la campagne qu’il faut l’aller chercher, car ce sont les souvenirs et les scènes champêtres qu’il s’est complu à retracer. Celui qui se borne à désigner, sans les décrire, les différens quartiers de Rome, trouve des expressions brièvement, mais vivement pittoresques, quand il s’agit des ombrages de Tibur ou de son habitation de la Sabine.

Je ne saurais mieux indiquer au lecteur comment s’y prend Horace pour donner une idée vraie des lieux qu’en citant quelques lignes de M. Patin, son savant et ingénieux interprète : « Ce n’est pas qu’Horace soit descriptif à la manière des modernes, jamais il ne décrit pour décrire ; il n’est jamais long, il s’en faut de tout, ni minutieux dans ses descriptions. Le plus souvent une épithète caractéristique, d’autres fois un petit nombre de circonstances, choisies parmi les plus frappantes, rangées dans l’ordre qui les découvre à une observation rapide, groupées de telle sorte qu’elles révèlent l’idée de l’ensemble, et que le tableau, largement ébauché par le poète, s’achève dans l’esprit du lecteur, voilà la vraie, la grande description de Virgile et d’Horace. Cette description est chez Horace toute passionnée, animée par un sentiment vrai des scènes qu’elle reproduit, par l’amour de quelques lieux préférés, par le goût de la nature champêtre et de la vie rustique. »

Que de vers charmans dans Horace, consacrés à peindre ce Tibur tant aimé, ce délicieux Tivoli dont il est si doux de goûter après lui, je dirai presque avec lui, les impérissables enchantemens ! Comment ne pas y murmurer cette ode ravissante dans laquelle,

  1. Le temple de Vesta était sur la voie Neuve. Il est nommé au lieu du temple de Castor à cause de la grande proximité des deux édifices ; mais c’est celui-ci que touchait le tribunal du prêteur, devant lequel seulement le fâcheux pouvait avoir affaire pour un procès.