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pour prendre racine et pousser une tigelle. Plus tard, la fermentation se continue et s’achève à l’abri de l’air, et tout porte à croire que les cellules, une fois formées, n’ont plus besoin d’oxygène libre pour se multiplier. Enfin personne n’ignore que le vin laissé en vidange au contact de l’air s’évente, c’est-à-dire s’affadit en perdant son bouquet. M. Berthelot a le premier reconnu que cette altération a pour cause une absorption d’oxygène. Il a démontré que la force du vin est due non pas seulement à l’alcool qu’il renferme, mais encore à d’autres principes qui, selon toute apparence, existent déjà dans le raisin, de sorte qu’il y a sans doute des raisins forts et des raisins faibles, comme il y a des vins de force très différente. Ces principes, qui donnent au vin le bouquet et le goût vineux, peuvent être isolés ; le liquide qui en a été privé n’offre plus qu’un goût et une odeur désagréables de vinasse. L’action brusque de l’oxygène les détruit, et on dit alors que le vin est éventé ; mais quel est l’effet d’une action lente et progressive de l’oxygène, lorsqu’il pénètre peu à peu dans les bouteilles ou dans les tonneaux ? M. Pasteur, en désaccord sur ce point avec M. Berthelot, nous dit que c’est l’oxygène qui fait le vin, qui le vieillit. « L’oxygène modifie les principes acerbes du vin, et en fait disparaître le mauvais goût ; il provoque les dépôts de bonne nature dans les tonneaux et dans les bouteilles, et loin, par exemple, qu’une absorption de quelques centimètres cubes de gaz oxygène par litre de vin use ce vin, lui enlève son bouquet et l’affaiblisse, je crois que le vin n’est pas arrivé à sa qualité et ne doit pas être mis en bouteilles tant qu’il n’a pas absorbé une quantité d’oxygène bien supérieure à celle-ci. » M. Pasteur pense que les pratiques de la vinification, si ennemies qu’elles paraissent être de l’introduction de l’oxygène, sont en réalité de nature à favoriser une aération lente et progressive du liquide, tout en s’opposant à une aération trop brusque. L’ouillage par exemple n’est pas tant commandé par la nécessité d’éloigner l’oxygène que par celle d’entraver le développement des parasites. Il est d’ailleurs certain que les tonneaux de bois donnent accès à l’air et exposent le vin à une action oxydante lente, mais sensible. Aussi le choix des tonneaux est-il très important pour le vieillissement du vin.

En résumé, si l’on fait abstraction des réactions lentes qui ne cessent pas d’avoir lieu entre les divers principes du vin, et qui font eu ce moment l’objet des recherches de plusieurs chimistes éminens, M. Pasteur a éclairé d’une vive lumière la question des maladies auxquelles ce liquide est sujet. Il est parvenu à ce résultat par le raisonnement, et des expériences très précises ont confirmé ses vues théoriques. On pourra se demander si personne avant lui n’avait songé à l’application de la chaleur en vue de la conservation du vin. M. Pasteur lui-même nous apprend que les anciens faisaient bouillir certains vins pour les rendre plus résistans, ou bien les exposaient au soleil pour les faire vieillir. A Cette, ainsi qu’à Avignon, on expose le vin à la chaleur solaire ; mais la température dans ce cas ne dépasse jamais une trentaine de degrés, et ne détruit pas les