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avec le ferment du vin tourné, se montrent souvent des cristaux de certains sels et des amas mamelonnés de matière colorante. Dans le vin très vieux, le ferment de l’amer se colore d’une manière plus intense, les filamens y sont plus gros, et ressemblent à des branches de bois mort. La maladie entraîne souvent une légère décoloration du vin, qui devient d’un rouge plus clair. Il n’est pas d’ailleurs parfaitement certain que les deux maladies par l’effet desquelles le vin tourne ou contracte un goût amer soient réellement distinctes, car d’abord les fermens qui caractérisent ces deux altérations sont assez difficiles à distinguer l’un de l’autre, ensuite le vin qui tourne est généralement un peu amer. Il faudra donc recourir à de nouvelles observations pour décider s’il s’agit ici de deux parasites différens ou seulement d’une modification dans la manière d’être d’un même et unique parasite végétal.

Nous arrivons aux moyens que M. Pasteur propose pour combattre les maladies que nous venons d’énumérer. Nous pourrons faire abstraction de certains traitemens chimiques à l’aide desquels on peut améliorer tel vin devenu acide ou filant ; nous ne parlerons ici que de la méthode générale applicable à tous les vins, à laquelle le savant chimiste s’est vu conduit par ses études sur les fermens organisés. Elle consiste simplement à chauffer le vin pour tuer les fermens. Une température de 50 à 60 degrés suffit pour obtenir ce résultat. Cela peut surprendre, car on sait que dans l’eau la plupart des germes ne périssent que si on la fait bouillir ; quand il s’agit de liquides très altérables, il faut même dépasser la température de 100 degrés pour détruire la vitalité des êtres microscopiques qu’ils renferment. Il est probable que l’alcool contenu dans les vins favorise beaucoup l’action purificatrice de la chaleur ; on s’expliquerait ainsi la facilité avec laquelle on arrête le développement des parasites dans ces liquides par une élévation de température qui, au besoin, pourrait être demandée aux rayons solaires. M. Pasteur avait d’abord jugé nécessaire de pousser la température jusqu’à 75 degrés, mais l’expérience a montré qu’on pouvait se contenter de 60 et de 50 degrés ; il y aurait peut-être moyen de descendre encore et de s’arrêter vers 45 degrés.

Le procédé de chauffage que propose M. Pasteur est fort simple et peu coûteux. On peut le pratiquer sur le vin que l’on vient de mettre en bouteilles ou sur celui qui est en bouteilles depuis longtemps, qu’il soit sain ou malade. La distinction est d’autant moins importante que tous les vins naturels contiennent les germes de la maladie ; il n’y a de différence, à proprement parler, que dans le degré de développement de ces germes. C’est là ce que le microscope permet de constater, alors que le dégustateur le plus expérimenté ne reconnaît encore dans le vin aucun symptôme d’altération. Le siège des parasites est avant tout dans les dépôts ; aussi convient-il de les séparer par un transvasement lorsqu’on agit sur du vin qui est depuis longtemps en bouteilles. Voici comment se fait l’opération. Les bouteilles que l’on veut conserver sont bouchées, ficelées, puis portées