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c’est là, nous dit-il, que tout en marchant il prenait la résolution de devenir plus sage et meilleur.

Mais, outre la promenade, il y avait à Rome pour Horace les courses obligées, son supplice, et il nous fait connaître les divers quartiers de la ville où se traitaient les affaires : c’était surtout le Forum, où se trouvaient le Janus moyen qui était le lieu principal de réunion pour les gens d’affaires, puis le Putéal de Libon et la statue de Marsyas, près des Rostres, au pied de laquelle se rassemblaient les avocats. Un autre jour, il fallait aller servir de caution à un particulier qui demeurait sur le Quirinal, ce qui n’était pas bien loin de l’Esquilin, demeure de Mécène ; mais le même jour Horace devait se rendre de l’autre côté de Rome, à l’extrémité du mont Aventin, pour entendre la lecture d’un poème nouveau. A peine Mécène est-il revenu sur le triste Esquilin, que chacun sollicite Horace, attendant tout de son crédit.

En faisant cette promenade horatienne, en allant ça et là avec l’aimable poète, à travers les quartiers de Rome qu’il a parcourus et parfois mentionnés dans ses vers, on arrive sur la voie Sacrée, où l’on marche, peut-être comme lui, absorbé dans quelque rêverie frivole :

Nescio quid méditans nugaram, totus in illis.


Et encore à présent il peut arriver qu’on trouve là un fâcheux, qu’ayant lu son Horace on lui dise aussi, pour s’en délivrer, qu’on a une affaire sur l’autre rive du Tibre, près des jardins de César, c’est-à-dire vers la gare du chemin de fer, et que le fâcheux, comme celui d’Horace, se trouve avoir précisément affaire de ce côté. J’ai pour ma part essayé du moyen employé par le poète pour échapper à un secatore de son temps, et cet artifice ne m’a pas mieux réussi qu’à lui.

Cette course un peu forcée d’Horace peut être suivie et refaite pas à pas. Horace venait de l’Esquilin, de chez Mécène ; il avait trouvé sur son chemin la voie Sacrée, et musait, indolent, parmi les boutiques, se dirigeant peut-être vers celui des deux magasins de ses libraires qui était près de la statue de Vertumne, à l’entrée du quartier étrusque. Une fois là, il aurait poussé, je le crains, jusque dans ce Vélabre où se trouvaient toutes les élégances et toutes les corruptions de la vie romaine ; mais la rencontre du fâcheux changea tous ses plans, et Horace n’eut plus dès lors d’autre dessein que de lui échapper. La rencontre se fit sur la voie Sacrée, à un endroit qu’on pourrait presque indiquer, car ce fut avant le point où de sa bifurcation sortait la voie Neuve. Bientôt on arrive