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Toutes les combustions lentes, dernières phases de ces actions désorganisatrices, paraissent d’ailleurs tenir à la présence d’êtres microscopiques du même ordre. L’oxydation progressive des matières azotées ou ammoniacales qui constitue la nitrification, est peut-être étroitement liée à une végétation parasite qui attend encore son Linné. Dans plusieurs cas, la question a été déjà résolue par l’affirmative. Nous allons voir que le vinaigre n’a pas d’autre origine : il est le produit d’une combustion lente de l’alcool, provoquée par la présence d’organismes d’un ordre inférieur.

L’alcool est composé de carbone, d’hydrogène et d’oxygène. Quand la proportion d’oxygène est augmentée dans une certaine mesure, on obtient les élémens de l’acide acétique, qui caractérise le vinaigre, plus de l’eau ; l’addition d’une quantité encore plus grande d’oxygène change l’alcool en un composé qui se dédouble en eau et en acide carbonique. On peut donc dire que l’acide acétique ou le vinaigre est de l’alcool brûlé, car une oxydation est une combustion ; mais la combustion est ici encore incomplète : si elle s’achève, l’alcool et l’acide acétique se transforment en acide carbonique et en vapeur d’eau. Jusque-là, tout est fort simple ; les réactions qui caractérisent la naissance et la disparition du vinaigre nous sont parfaitement connues ; rien de plus facile que de les exprimer par des formules chimiques et de les mettre en équation. La difficulté ne surgit qu’au moment où l’on cherche à se rendre compte de la cause déterminante de ces réactions. Le cas se présente souvent : on a constaté les faits apparens, mais l’on ne sait rien du principe qui les régit ; on invente alors, pour sortir d’embarras, une force occulte, comme la vertu dormitive de l’opium. L’alcool pur ne paraît pas s’acidifier à l’air ; il faut, pour obtenir ce résultat, y introduire certaines matières organiques telles que de l’orge germée, du marc de raisin ou du vinaigre tout formé. Ces matières paraissent donc indispensables pour commencer la fermentation acétique. Dès lors voici comment M. de Liebig explique le phénomène : « Les substances organiques, dit-il, en présence de l’esprit-de-vin, absorbent l’oxygène et le mettent dans un état particulier qui le rend susceptible d’être absorbé par l’alcool. » Cette théorie, si théorie il y a, semblait être confirmée par quelques faits du même ordre, et notamment par l’action très curieuse que le noir de platine exerce sur l’alcool, car le platine très divisé détermine aussi la naissance de l’acide acétique. M. Pasteur n’est pas de cet avis ; il a découvert un véritable fabricant de vinaigre dans le mycoderma aceti.

On trouve quelquefois dans les vases qui renferment du vinaigre, sous l’aspect de membranes plus ou moins cohérentes, une matière gélatineuse qui est désignée dans le langage des commerçans par le nom caractéristique de mère du vinaigre. Ce nom indique assez la fonction que l’observation populaire attribuait depuis longtemps à ces membranes gluantes et gonflées. Berzélius vint renverser ce qu’il considérait comme un préjugé : la matière gélatineuse, dit-il, se développe aux dépens des élémens du vi-