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vembre actuel. La mission du général Castelnau a eu justement pour objet la préparation de l’évacuation en masse et par conséquent l’accomplissement le plus décisif de notre renonciation aux aventures mexicaines. Les plaintes de M. Johnson et de M. Seward, si elles trouvent issue dans le message présidentiel, seront donc injustes et déplacées. Si l’on en juge encore par la presse américaine, les instructions données à M. Campbell et au général Sherman seraient fort vagues. Ces envoyés seraient surtout chargés d’étudier la situation dans les territoires où dominent les dissidens ; ils devraient s’efforcer de relever le prestige de Juarez, avec lequel ils auraient à s’entendre ; ils devraient travailler à lui concilier les factions dissidentes dirigées par Ortega et d’autres chefs républicains. Ce spectacle des agens américains occupés de grouper au Mexique des élémens que nous n’avons pas réussi à dominer est peu flatteur pour notre amour-propre ; nous sommes pourtant contraints de souhaiter le succès de MM. Sherman et Campbell. S’ils réussissent à aider les Mexicains à former une organisation quelconque, ils auront soulagé notre conscience ; nous pourrons considérer alors avec moins d’inquiétude le sort des résidens français et des Mexicains qui se sont compromis pour nous, que nous laisserons sous un gouvernement doué de quelque régularité et recommandé par l’alliance et le patronage de la grande république américaine.

On croit rêver lorsque devant ces résultats de l’expédition mexicaine on voit des journaux assez oublieux des choses, assez ignorans des sentimens du pays, pour attribuer l’avortement de l’entreprise mexicaine à une défaillance nationale. Les écrivains dont nous parlons semblent chercher dans cet outrage au sentiment national péniblement ému on ne sait quelle obstinée et cynique adulation à l’adresse du pouvoir. On n’a jamais commis une maladresse plus irritante. L’entreprise mexicaine est maintenant connue du monde entier. Dans son origine, dans ses vues premières, dans la façon dont elle a été commencée, poursuivie, développée et terminée, elle n’a été qu’une série d’erreurs. La pensée de l’empire à fonder pour Maximilien était préconçue ; ce projet, imaginé par des émigrés mexicains que nous avons traînés derrière notre premier corps expéditionnaire, était en contradiction flagrante avec les principes français, qui nous interdisent d’imposer à un peuple un gouvernement par la force. Il était sans proportion avec les intérêts commerciaux engagés par la France au Mexique. Et comment l’a-t-on soutenu ? D’abord par une alliance avec l’Espagne et l’Angleterre, qui devait se briser le jour même où il serait révélé par les faits, puis par une série de mesures militaires insuffisantes et mal préparées. Il faut y revenir à trois fois pour pénétrer dans le pays, prendre Puebla et s’emparer de Mexico. La dernière expédition, celle du général Forey, malgré les leçons précédentes, est retardée elle-même dans ses premiers mouvemens par l’insuffisance des préparatifs ; elle est obligée d’attendre des mulets et des équipemens, représentant une somme énorme, qui lui sont envoyés de