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lés dans leur fidélité. Les uns trahissent le pouvoir qu’ils servent, les autres profitent de l’impuissance, et de la dernière détresse du gouvernement. C’est le petit nombre, on en conviendra, qui peut avoir l’héroïsme d’attendre à son poste la catastrophe.

Ainsi de proche en proche tous les ressorts se brisent ou s’usent dans une immobilité sourdement menacée. De là cette impossibilité de se soutenir que tout le monde sent, que le gouvernement romain lui-même ne méconnaît pas. Et voilà ce pouvoir temporel à qui on dît de marcher, de vivre, de coexister avec l’Italie pour la garantie suprême de la catholicité ! La vérité est qu’il ne peut plus ni se mouvoir ni rester immobile, et j’ajouterai que dans ce tête-à-tête où il est laissé vis-à-vis de l’Italie, les situations sont inégales sur un dernier point. L’Italie, à la rigueur, peut attendre ; la patience lui est facile, surtout depuis que la question vénitienne n’est plus comme une menace à ses portes. Elle peut assister désormais avec une confiante tranquillité à l’expérience qu’on lui propose sans en précipiter le dénoûment. C’est la souveraineté pontificale, telle qu’elle est aujourd’hui, qui ne peut plus attendre, qui s’affaisse dans le vide, qui périt faute d’air, d’espace et de lumière.

Et puis ce n’est pas seulement cet ensemble d’impossibilités organiques qui pousse désormais Rome vers l’Italie. Ce serait une singulière erreur de prendre pour l’exacte mesure de la réalité des choses les harangues, les allocutions, les protestations qui se succèdent, qui sont peut-être le devoir et dans tous les cas la tradition, la dignité du pontificat dans sa chute. Au fond, sous cet extérieur officiel, on est peut-être à Rome moins éloigné de l’Italie qu’on ne le paraît. On est entraîné par un double courant ou du moins par un double sentiment, dont le premier est un visible sentiment d’amertume causé par l’isolement où les puissances catholiques ont laissé la papauté, et ce sentiment, entretenu par une situation de plus en plus désespérée, j’ose dire que la convention du 15 septembre ne l’a pas diminué. Nous nous faisons assez souvent en France la naïve illusion que nous avons la mission de secourir tout le monde, de sauver les peuples de l’anarchie en leur donnant des empires, les gouvernemens de leurs propres fautes en leur donnant des conseils, et que nous devons recueillir la reconnaissance universelle. C’est une illusion suivie de fréquens déboires, et l’intervention française à Rome, cette intervention qui finit aujourd’hui sans avoir atteint évidemment le but qu’elle s’était proposé, est peut-être une des plus singulières expériences qui aient été faites.

Que ces dix-sept années d’occupation n’aient excité que fort peu de reconnaissance dans la population romaine, c’est à peu près certain. Il ne faut pas s’y tromper en effet : la France se retire peu populaire. Ses soldats sont aimés pour leur bonne humeur. L’occupa-