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c’est toucher à des domaines d’église, et voilà la question du temporel qui renaît sous une autre forme ! Il en résulte une disproportion cruelle, inexorable entre les ressources dont le saint-siège peut disposer et les charges d’une administration qui reste à peu près ce qu’elle était, puisque le gouvernement romain, soit par scrupule, soit pour faire acte de souveraineté, paie encore des employés des anciennes provinces qui ont reflué à Rome. Même après le partage de la dette romaine, qui n’est point encore réglé, le déficit ne restera pas moins dans le budget pontifical comme une inguérissable plaie. Avec des recettes exagérées et des dépenses trop faiblement évaluées, il s’élevait encore en 1865, sur un budget de 64 millions, à 30 millions, que le transfert d’une partie de la dette ne couvrira pas entièrement. Il faudra donc accumuler les emprunts, attendre la vie du denier de Saint-Pierre, dont les produits sont loin d’augmenter.

Ce n’est pas tout. De la séparation de la Romagne, des Marches, de l’Ombrie, des conditions d’isolement faites à ce qui reste, de l’incertitude entretenue par un état trop irrégulier et trop violent pour être durable, de tout cela est née une série de perturbations qui atteignent tous les intérêts, toutes les situations, toutes les classes. Sans être bien considérable, l’ancien état pontifical comptait plus de trois millions d’âmes, il allait jusqu’à Bologne et à la féconde plaine du Pô. Un petit mouvement de commerce et d’industrie était au moins possible. Le peu de commerce qui reste aujourd’hui est enfermé dans le cercle des douanes italiennes. Il souffre de cette gêne des douanes, il souffre du trouble incessant qui résulte de la différence dans la valeur des monnaies. Le rayon d’action s’est resserré pour tout le monde. Autrefois la profession d’avocat était lucrative à Rome, qui était le centre de toutes les juridictions pontificales ; elle est maintenant ce qu’elle pourrait être dans un chef-lieu de province : elle a perdu ce qui la faisait prospérer. Précédemment des travaux d’une certaine importance étaient entrepris soit par l’industrie privée, soit sous les auspices du gouvernement ;. ils ont naturellement cessé. On ne s’occupe guère d’entreprendre des travaux quand on ne sait plus où on sera demain ; ceux même qui étaient commencés sont suspendus. — Ingénieurs, avocats, commerçans, toute cette partie moyenne, active, de la société romaine se trouve ainsi cruellement atteinte. Et comme il y a une invincible solidarité entre les classes, le peuple même de Rome n’a point tardé à sentir le contre-coup de cette gêne universelle, de sorte que, quand même les Romains ne seraient pas portés par l’impulsion du sentiment national à désirer la fusion avec l’Italie, ils y seraient conduits par leurs intérêts. Les employés eux-mêmes, placés sous le coup d’une révolution toujours imminente, sont ébran-