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l’unité italienne. — La question ne se complique évidemment que parce qu’on est au-delà des Alpes, parce que c’est à Rome que va se résoudre la lutte de l’état et de l’église, parce que la possession de Rome est le prix de cette lutte. C’est le péril de la révolution italienne, et c’est aussi sa grandeur. Elle n’est, après la révolution française, à laquelle elle se rattache, et comme cette révolution, un des plus grands mouvemens humains que parce qu’en touchant à Rome, siège de cette autre unité qui s’étend au monde, elle se lie à une transformation nécessaire des conditions extérieures du catholicisme. Là est le point épineux et décisif sur lequel l’Italie elle-même en est à se sonder depuis quelque temps, surtout depuis que la convention du 15 septembre a créé dans une certaine mesure une situation nouvelle, a établi, si l’on veut, sur le chemin qui conduit à Rome, une étape de plus. Une chose à remarquer en effet c’est le travail qui s’accomplit au-delà des Alpes autour de ce redoutable problème, si bien que les Italiens en sont venus aujourd’hui peut-être à l’envisager avec plus de liberté et de réflexion. Expliquons-nous.

La question romaine était naturellement et implicitement contenue dans la révolution italienne. Celui qui lui a donné une forme précise et qui l’a fait entrer en quelque façon dans le cadre des données positives de la politique, c’est le comte de Cavour, on ne l’ignore pas, le jour où il a montré aux Italiens Rome comme l’étoile polaire, et où, stipulant au nom de l’Italie, il a offert à l’église, en échange du pouvoir temporel, la liberté. On s’est plu quelquefois à répéter que ce n’était là probablement pour Cavour qu’un expédient par lequel il avait habilement désarmé le radicalisme italien en lui prenant son programme, et s’était tiré d’embarras. C’était chez lui au contraire une idée mûrie et arrêtée. Dès 1848, au temps du plus vif enthousiasme pour Pie IX, il disait un jour dans une réunion : « Pie IX sera le dernier pape-roi, avec Pie IX finit le pouvoir temporel des papes. » Et comme on riait presque de cette prédiction, il se mit à déduire avec une étrange clairvoyance la logique de cette situation au bout de laquelle le pape devait être conduit à jeter à la mer le pouvoir temporel pour sauver la barque de saint Pierre. Dès sa première entrée dans les conseils piémontais, il professait la doctrine de la liberté religieuse, de la séparation complète de l’église et de l’état. Au moment de sa mort, les dernières paroles qui vinrent errer sur les lèvres de ce grand libéral étaient encore : Pas d’état de siège! l’église libre dans l’état libre ! — On ne songe guère aux expédiens dans ces momens-là. Comment entendait-il d’ailleurs aller à Rome et pratiquer son système, le faire accepter? Il roulait dans son esprit bien des moyens et bien des idées. Il traitait déjà avec la France, on l’a vu, et il ouvrait