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ter un Te Deum ou accepter un membre du parlement comme parrain d’un enfant, — évêques transportés d’un bout du royaume à l’autre, dignitaires de l’église condamnés au domicile forçé, comme le cardinal de Angelis. Sans doute il serait facile de dire qu’on était dans un moment de lutte violente où le gouvernement ne pouvait pas se laisser braver directement en face. Sans doute encore, on pourrait se rassurer, au point de vue des nécessités du culte, en songeant que, tout compte fait des prélats absens et des diocèses vacans, il reste plus de cent évêques sur leur siège. On pourrait bien ajouter enfin que cette persécution, comme on l’appelle quelquefois, était après tout assez douce pour être peu efficace. Elle n’en était pas moins, il faut l’avouer, en contradiction flagrante avec le principe de liberté que l’Italie venait de proclamer si solennellement. C’était, somme toute, une anomalie assez étrange de voir par exemple un préfet de Milan exhumer quelque article de la législation autrichienne contre les signataires d’une adresse au pape. L’Italie, sans trouver dans cette politique la moindre garantie de sécurité, se donnait ces dehors de puissance persécutrice dont on a si violemment tiré parti contre elle. Elle rendait suspectes les offres de liberté qu’elle faisait à l’église en échange de son pouvoir temporel, et, chose plus grave, elle paraissait douter d’elle-même, elle laissait croire à sa faiblesse, à des embarras dont elle ne pouvait triompher sans le concours de l’église. « Donc ce pauvre royaume ne peut se consolider, disait un jour un cardinal à un Italien qui se trouvait à Rome. — Pourquoi donc, éminence? — Mais je vois que vous faites le procès à un prêtre qui n’a pas admis aux fonts baptismaux un membre de votre parlement, vous en poursuivez un autre pour avoir omis un oremus... Vous craignez, il faut croire, que votre état nouveau ne puisse marcher sans la bénédiction du prêtre, puisque vous voulez l’avoir même par les procès et la prison ! »

L’Italie s’est donné par là, dis-je, ces dehors révolutionnaires dont on a tant abusé contre elle. La vérité est cependant qu’au fond elle n’est rien moins que révolutionnaire; elle ne l’a même pas été assez, ou du moins elle l’a été trop lentement en quelque sorte sur les points les plus essentiels. Elle a hésité, ajourné plus d’une fois. Il n’est point douteux par exemple que l’Italie se fût épargné des embarras, si elle eût agi résolument, si elle eût tranché dans le vif dès le premier instant, au lieu de mettre cinq ans à faire toutes ces lois sur le mariage civil, sur les biens ecclésiastiques, sur la suppression des corporations religieuses, qui sont en définitive la consécration de l’indépendance civile. Je me souviens d’avoir entendu raconter par M. d’Azeglio, par cet homme éminent