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=légalement altéré, dénaturé, opprimé la vie civile au-delà des Alpes. Il est facile en France d’être libéral, tolérant, ou, pour mieux dire, juste envers l’église. Le clergé français actuel est né dans une société façonnée par la révolution, et n’en a point connu d’autre. Il est tenu en respect par tout un ensemble de lois qui limitent son action et le renferment dans son rôle purement religieux. S’il sort de ce rôle, il est aussitôt surveillé et suspect. C’est tout le contraire en Italie, pays de vieille domination cléricale : là le prêtre se mêle à tout, il pénètre dans l’intérieur des familles, dispose des intérêts privés; on ne fait rien sans son avis. Il tient les âmes simples, qui sont assez nombreuses, par les sacremens ou par toutes les superstitions, et il domine les esprits forts par la crainte. La loi civile, dans les anciens états pontificaux par exemple, je ne sais où elle était : Rossi la cherchait un jour sans la trouver, quoiqu’il eût été professeur de droit à Bologne et même doyen de la Faculté de droit de Paris; ce n’était en somme que le pouvoir du prêtre punissant quelquefois pour une infraction au jeûne, s’exerçant par une inquisition minutieusement et naïvement despotique, mettant le plus souvent l’autorité spirituelle au service d’une politique. Et quand on songe que l’organisation ecclésiastique de l’Italie comprend encore aujourd’hui, sans parler de ce qui reste au pape, deux cent trente diocèses pour vingt-deux millions d’hommes, qu’à cela il faut joindre des corps religieux de toute sorte, on comprendra la force irritante de ce pouvoir disposant à la fois des moyens spirituels et des moyens temporels. M. l’évêque d’Orléans, M. le cardinal de Bonnechose et bien d’autres ont traité souvent avec dureté les Italiens. Je demanderais volontiers à l’un de ces prélats ce qu’il répondrait, si on lui proposait de remettre un rapport sur les confessions entendues dans son diocèse la prochaine fois que l’empereur passera à Orléans ou à Rouen. C’est cependant ce qui est arrivé dans une partie de l’Italie. Le jour où le roi Victor-Emmanuel arriva pour la première fois dans le Napolitain, au milieu de toutes ces félicitations banales qui vont d’un gouvernement à l’autre, il reçut une étrange confidence. Un dignitaire ecclésiastique s’approcha de lui, et lui demanda tout bas avec candeur à qui il fallait remettre désormais le rapport sur les confessions. Victor-Emmanuel écouta sans trop comprendre; il eut besoin de se faire expliquer un moment après ce que cela voulait dire, et il se révolta de la confidence. Voilà pourquoi le roi Ferdinand multipliait les évêchés dans son royaume ! Il avait besoin d’auxiliaires. A Rome, on soupçonnait bien un peu cela; on s’inquiétait toutes les fois qu’arrivaient de Naples des demandes de nouveaux évêchés, puis en définitive on ne refusait pas.

Ce que cette situation a produit en Italie d’aversion, d’antipathie contre le gouvernement des prêtres ne se pourrait dire, et, comme