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battre avec la France les conditions qui n’ont passé que trois ans plus tard dans la convention du 15 septembre, et non-seulement il traitait avec la France, il avait eu encore le temps de nouer d’un autre côté, à Rome, des négociations secrètes, inavouées, si l’on veut, multiples, confuses, mais réelles. Cavour avait le suprême mérite d’inspirer la confiance par son habileté et son bonheur, et aussi parce que, sans rien sacrifier des principes de nationalité et de liberté dont il était le victorieux promoteur, il avait l’esprit assez élevé en même temps qu’assez pratique pour faire une large part aux idées, aux situations, aux hommes avec qui il croyait devoir compter. Lui mort, les antagonismes étaient encore trop violens pour s’apaiser sous une autre main moins accoutumée à dénouer ces inextricables embarras. Une expérience prématurée eût peut-être conduit alors à quelque fuite à Gaëte, à quelque irruption vers Rome, à l’imprévu, à des choses qui n’eussent profité, je le crains, ni à la papauté, ni à l’Italie, ni à la catholicité. Six ans se sont passés, la question n’est pas assurément moins grave et moins épineuse en elle-même. À tout prendre cependant, de singuliers changemens se sont accomplis par une sorte de pente insensible. Les conditions ne sont pas ce qu’elles étaient, même à l’époque de la mort de Cavour. L’Italie a duré d’abord. Le sentiment de l’irréparable s’est fait jour, les passions ont perdu de leur intensité et de leur ardeur dans tous les camps ; ce n’est pas peut-être encore la paix, ce n’est plus la guerre.

Il y a six ans, les foudres du Vatican tombaient sur le roi Victor-Emmanuel et sur tous les coopérateurs, les conseillers et les complices du démembrement des états pontificaux, — et l’an dernier Pie IX, par une de ces inspirations dont on ne peut méconnaître la noblesse, écrivait lui-même à ce roi excommunié, et provoquait spontanément l’envoi d’un négociateur italien à Rome. Il ne s’agissait sans doute que d’une négociation d’un ordre religieux laissant intactes toutes les questions politiques ; ce n’était pas moins un fait nouveau que la présence d’un plénipotentiaire de l’Italie au Vatican pour traiter de la réorganisation des diocèses et de la position des évêques de toutes les parties de la péninsule. Il n’y a pas si longtemps encore, une sorte de barrière semblait s’élever entre Rome et Florence, on allait peu, trop peu d’une ville à l’autre ; on affectait de ne point se connaître, de se traiter en étrangers, en ennemis, de laisser subsister, d’aggraver même toutes les vieilles entraves dans les communications ; il y a moins d’un an, cinquante députés italiens allaient librement, ostensiblement à Rome, et ils n’avaient qu’à décliner leur titre pour être reçus partout avec des égards particuliers. Autrefois M. de Mérode, le belliqueux pro-ministre des armes, organisait des milices et compromettait le saint--