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sistible insurrection d’un peuple poursuivant à tout prix son affranchissement, sa constitution nationale.

Dès lors ce qu’on a nommé, ce qu’on nomme encore par habitude la souveraineté temporelle du pape n’a plus existé évidemment que comme une fiction, comme le mot d’ordre d’un combat aussi acharné qu’inutile. Dans cette série d’événemens tout contemporains où le pouvoir temporel a succombé, où il devait succomber, le point de départ, le coup d’autant plus décisif qu’il a été, je pense, involontaire, c’est la guerre de 1859, cette guerre qui devient aussitôt le signal du démembrement des états pontificaux par la séparation de la Romagne. Le coup terrible, audacieux et irrémédiable, c’est la constitution définitive de l’unité tranchant la question — par l’annexion de Naples, qui enlève au pape la possibilité de trouver en Italie l’appui d’une autre indépendance, même un refuge, quelque nouveau Gaëte, — par l’annexion des Marches et surtout de l’Ombrie, qui lui enlève le plus clair de ses ressources matérielles. C’est la seconde étape; la troisième, c’est la convention du 15 septembre 1864 mettant un terme à l’occupation militaire de ce qui reste de l’état de l’église, traitant des affaires pontificales avec l’Italie sans le pape, et consacrant l’unité italienne par ce fait même qu’elle lui impose des obligations. Ce qui met le sceau enfin à cette œuvre de transformation, meurtrière pour la papauté, j’en conviens, c’est la dernière guerre victorieusement dénouée à la veille de l’échéance de la convention de septembre, c’est l’annexion de Venise, qui ne laisse plus même au saint-siège la chance, déjà fort amoindrie, de voir l’Autriche reprendre son ascendant au-delà des Alpes.

Et quant à ceux qui, même après ces six années pleines d’événemens foudroyans, parlent encore de la souveraineté temporelle, qui mettent cette souveraineté comme un article de foi dans la politique française, et qui ont eu peut-être un instant la secrète espérance de voir notre armée rester à Rome après l’heure fixée pour sa retraite, — quant à ceux-là, ils ne voient pas qu’ils font d’étranges confusions, qu’ils parlent de ce qui n’existe plus que comme une ombre, — qu’un expédient, fùt-il prolongé, n’opérerait pas le miracle de la résurrection du passé, et que d’ailleurs le pouvoir temporel tel que paraît l’entendre la politique française, ne ressemble guère au pouvoir temporel tel qu’ils le comprennent et le demandent. Ils oublient cette parole de la lettre impériale du 20 mai 1862, précisant le sens de l’action de la France et traçant un programme que l’Italie elle-même n’a pas désavoué : « Le pape, ramené à une saine appréciation des choses, comprendrait la nécessité d’accepter tout ce qui peut le rattacher à l’Italie, et l’Italie ne refuserait pas d’adopter les garanties nécessaires à l’indépendance du souverain pontife et au libre exercice de son pouvoir. On atteindrait ce double