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Charlemagne, les vieux diplômes, toutes les vieilles considérations sur la légitimité et sur le principe révolutionnaire. Ce n’est plus le moment de rechercher ce qui a fait la force et ce qui a fait la faiblesse de la souveraineté politique du saint-siège, si Rome appartient aux Romains, à l’Italie ou à la catholicité par je ne sais quel droit indéfectible de propriété collective. Toutes ces questions, depuis vingt ans, depuis six ans surtout, elles ont été agitées avec des profusions d’éloquence, de passion et de subtilité faites quelquefois pour troubler les esprits les plus fermes aussi bien que les consciences naïves. Et pendant qu’on dissertait, qu’on pérorait, pendant que le torrent des subtilités passionnées et éloquentes se déchaînait partout, les événemens marchaient, se précipitaient, plus rapides cette fois que la parole, volant au but avec une irrésistible impétuosité de logique.

Laissez tomber ce tourbillon d’événemens et de polémiques dont l’air a été un moment obscurci : ce qui reste de plus clair, de réel, c’est que la papauté temporelle avec son vieux prestige, avec ses vieilles racines enfoncées au cœur de l’Italie et de l’Europe, n’est pas moins une institution comme toutes les institutions humaines, qu’elle est soumise à la même loi, aux mêmes nécessités, aux mêmes chances de grandeur ou de déclin. Tant qu’elle est restée enveloppée dans son principe d’une sorte de voile mystérieux, à l’abri de la lumière et de la discussion, elle a pu vivre dans sa douce et somnolente immobilité, ni plus ni moins que d’autres pouvoirs d’ancien régime; elle participait presque de l’inviolabilité du dogme. Le jour où elle a été discutée, où elle s’est trouvée jetée dans un monde renouvelé par une révolution, où elle a été obligée de se mouvoir au milieu d’intérêts, d’idées, de droits devenus à leur tour le symbole d’une humanité en travail d’émancipation, elle ne pouvait plus résister, elle était destinée à périr. Ce qui est certain encore, c’est que, soit par une fatalité de sa nature, soit par l’erreur et l’obstination des hommes, soit qu’elle ne l’ait pas voulu, soit qu’elle ne l’ait pas pu, la papauté temporelle n’a point fait un effort bien sérieux ou bien suivi pour échapper à cette dévorante logique des choses. Par sa politique, par ses alliances, par ses connivences, au contraire, elle s’est placée, elle s’est laissé placer peut-être dans cette condition redoutable où chaque progrès du droit nouveau en Europe devenait une menace pour elle, où chacune de ses victoires se liait à quelque réaction, ressemblait à une défaite pour les idées d’émancipation politique, civile ou nationale. Ce qui n’est plus douteux enfin, c’est que si cette lutte a eu ses incertitudes et ses péripéties, il y a eu un moment où l’issue est devenue inévitable. A dater de ce moment, chaque jour a emporté un lambeau de ce pouvoir battu en brèche tout à la fois par l’esprit général du temps et par l’irré-