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tier de Bornéo. Une ou deux fois, durant ce voyage de 3,000 kilomètres qu’ils accomplissaient en six mois environ, ils s’arrêtaient sur un îlot inhabité et mettaient leurs barques à terre pour les réparer. Ils évitaient avec soin le voisinage des ports de commerce qu’ils savaient être fréquentés par des croiseurs européens, quoique à l’occasion ils fissent preuve d’une grande bravoure dans les combats. Les captifs ramenés dans l’archipel de Solo étaient vendus dans les îles voisines ou conservés pour cultiver la terre. En somme, ces pirates faisaient un mal excessif sur le parcours de leurs pérégrinations annuelles, et étaient même redoutés par les navires européens.

C’est au milieu des peuplades barbares qui se disputaient les côtes de Bornéo que sir James Brooke, poussé par l’amour des aventures, vint un jour s’établir. Après avoir défendu le sultan de Bruni contre ses sujets révoltés, il obtint de ce souverain, à titre de don, la cession gratuite de toute la partie du territoire qu’arrose la rivière de Sarawak. L’ère du nouveau royaume date du 24 septembre 1841. Plus tard le sultan de Bruni abandonna de nouvelles provinces, où son autorité était mal établie, si bien que la domination de l’officier anglais s’étend à présent sur une longueur de côtes qui n’a pas moins de 350 kilomètres, sans compter que le gouvernement britannique a acquis, grâce à son intervention, l’île importante de Labuan, au moyen de laquelle un bon port et des mines de houille lui ont été assurés dans cette région du globe. Le territoire de Sarawak est limité maintenant vers le nord par le royaume indigène de Bruni; au sud et à l’ouest, d’épaisses montagnes le séparent des résidences hollandaises. On en évalue la population totale à 2 ou 300,000 âmes, chiffre très incertain, on le comprend, car les habitans ne peuvent être soumis à un recensement exact. Les sujets du rajah Brooke lui paient, il est vrai, un impôt de capitation, seule taxe à laquelle ils soient assujettis; mais on a tout lieu de croire que les chefs des tribus fraudent le trésor, en sorte que le produit de l’impôt ne donne nulle idée du nombre de têtes qui devraient être mises à contribution.

La province de Sarawak était naturellement soumise au pouvoir absolu sous ses anciens maîtres. Le nouveau rajah, fidèle aux souvenirs de son pays natal, y a établi l’autorité sur une base constitutionnelle. Un conseil composé de sept membres, dont quatre indigènes, tranche toutes les questions d’administration intérieure. Les Européens ont toujours été peu nombreux. Le second personnage du royaume est un neveu de sir James Brooke, qui porte le titre de tuan-mudah, et séjourne d’habitude à Sakarran, au milieu des Dyaks les plus turbulens. Quelques autres Anglais administrent