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trée d’alentour les bienfaits de la civilisation européenne. Les habitans, qui se sont entassés sur l’étroite surface de l’île, n’étant plus absorbés par les opérations d’un négoce universel, songeraient davantage à exploiter le sol et à lui faire rendre tout ce qu’il peut donner.

A considérer ce qui s’est passé dans la péninsule malaise depuis le commencement de ce siècle, on ne peut douter qu’il n’y ait là les élémens d’une colonisation rapide ; mais on ne doit pas perdre de vue que les villes qui y ont été fondées se distinguent par un trait caractéristique des autres colonies modernes. La race blanche, exclue par l’ardeur du climat de tous les travaux qui exigent de la force et de l’énergie, ne peut agir seule. Elle est à la tête de tout ce qui se fait, quoique la nature ne lui permette que d’apporter son savoir-faire; par suite, elle est peu nombreuse. Au contraire les races asiatiques forment le gros de l’immigration. Sans celles-ci, il n’y aurait que des ports, des comptoirs, nulle industrie, nulle culture. L’exclusion des Européens de tout labeur manuel s’étend même aux mers de cette partie du monde. Les navires à voiles qui fréquentent d’habitude ces contrées recrutent en partie leurs équipages parmi les Malais ; les bâtimens à vapeur emploient des hommes du pays aux rudes travaux du bord, par exemple comme chauffeurs de leur machine. Cependant cette association d’individus si distincts d’origine, de mœurs, de langage, est purement volontaire. Chacun accepte sa position et s’en contente. Quelques centaines de soldats et d’agens de police, indigènes eux-mêmes, suffisent à maintenir la paix au milieu de cette population mouvante.

Etant données les qualités propres du climat et du sol de la péninsule malaise, on ne peut qu’approuver la façon dont le peuple anglais en a su tirer parti. Il importe aussi de remarquer que Penang, Malacca et Singapore ne sont pas des établissemens isolés ; ce sont les derniers jalons d’une longue file de colonies qui se succèdent à de courts intervalles depuis Calcutta jusqu’à l’extrémité la plus méridionale du continent de l’Asie. Quoiqu’il y ait loin des bouches du Gange au détroit de Malacca, toute la côte est maintenant soumise à l’autorité britannique. Après une première guerre contre les Birmans en 1826, la compagnie des Indes, qui jusqu’alors n’avait guère dépassé le Gange, acquit par conquête les territoires d’Arracan et de Ténasserim. En 1849, une nouvelle guerre lui donna la province de Pegou, seule partie du littoral que l’empire birman eût conservée. Le gouvernement anglais possède donc tout le littoral depuis Calcutta jusqu’à l’isthme de Kraw. Ce qu’il en reste au-delà jusqu’à Singapore n’appartient, à proprement parler, à personne ; mais la nation qui possède une série de ports