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l’exception du sanctuaire dont les Anglais ont fait un magasin à poudre, il n’en reste que des murs et des pierres votives avec leurs épitaphes. On peut y voir encore la tombe d’un évêque japonais qui mourut en mer en l’année 1598, lorsqu’il revenait en Europe, celle de saint François-Xavier, qui succomba aussi dans ces régions lointaines, puis à côté les somptueux mausolées des anciennes familles de la colonie, la plupart construits en marbre que l’on faisait venir d’Europe à grands frais. Des plantes tropicales au feuillage luxuriant qui remplissent les brèches et s’élancent de chaque crevasse donnent aux restes de la vieille église un aspect sévère, mais plutôt riant que sombre et plus majestueux que funèbre.

Les trois stations de Singapore, Penang et Malacca, quoique bien distantes l’une de l’autre, furent longtemps incorporées en une seule colonie, qui dépendait du gouvernement général de l’Inde. L’administration en était confiée à un gouverneur qui résidait d’habitude neuf mois de l’année à Singapore, et partageait le reste de son temps entre les deux autres provinces. Tous les agens secondaires appartenaient, de même que leur chef, à l’armée de l’Inde ou au service civil des présidences. Les magistrats seuls recevaient une délégation directe de la couronne. Les négocians, qui tiennent une si large place dans les colonies du Détroit, n’avaient que deux intermédiaires par lesquels ils pouvaient faire connaître leurs vœux et leurs besoins au gouvernement britannique, la chambre de commerce et le jury. Cette dernière institution, qui a les mêmes attributions légales que dans la métropole, était, on le voit, singulièrement détournée de son but. Cet état de choses fut la conséquence naturelle de l’absence de tout autre corps élu. Il n’y avait pas, comme dans les autres possessions anglaises, de parlement ; il n’y avait même pas auprès du gouverneur de conseil consultatif. Ce gouverneur était lui-même subordonné en tout aux autorités de Calcutta ; il n’avait droit de régler que les affaires intérieures des colonies, il n’avait nul pouvoir de trancher les questions militaires ou d’entrer en relation avec les souverains indigènes du voisinage. Ce n’était en un mot qu’un subordonné, et l’autorité était réservée tout entière au gouverneur-général de l’Inde en son conseil, autorité lointaine et souvent mal renseignée. Singapore et ses annexes étaient donc à ce point de vue une exception dans le régime colonial de l’Angleterre. Les habitans demandèrent à diverses reprises qu’il leur fût accordé un gouvernement local armé de tous les pouvoirs, appuyé de toutes les garanties d’usage, et que des colonies plus jeunes, Hong-kong par exemple, possèdent depuis longtemps ; mais on craignait que le pays ne fût point en état de faire face à toutes les dépenses obligatoires qui lui incombent avec les res-