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de personnes, pacifiquement et librement convoquées pour discuter sur un besoin du jour. Quoiqu’elles ne puissent faire une loi, puisqu’elles ne représentent jamais qu’une partie de la nation, les discours de leurs orateurs et les votes idéaux qu’elles émettent sont des avertissemens pour les assemblées souveraines et une utile préparation de leurs travaux. Les Athéniens n’avaient pas besoin de meetings, parce que les citoyens faisaient eux-mêmes leurs lois et n’avaient point de représentans. Néanmoins ils s’étaient construit à eux-mêmes des édifices publics, des péristyles, des portiques toujours ouverts, où se préparaient, par des discussions anticipées, les matières que les orateurs devaient ensuite porter à la tribune. Ces libres allures de la vie publique sont an des plus grands exemples que l’antiquité ait légués aux temps modernes.

Le raisonnement et l’histoire nous montrent donc également que la liberté est le véritable remède préservatif contre les révolutions, et que son instrument le plus indispensable est la parole; mais il faut entendre par là une parole suivie d’effet et non pas un vain son dans l’air dont les administrateurs de la chose publique ne tiendraient aucun compte. Le peuple athénien considérait ses orateurs comme des fonctionnaires de l’état; leurs discours étaient suivis d’un vote, le vote entraînait l’action, et bien souvent l’orateur était choisi pour l’exécuter. Cette charge était à la fois pour lui un honneur et un péril, car, si à l’œuvre son conseil était reconnu mauvais, il pouvait être condamné à de fortes peines comme conseiller pervers ou malavisé. Au contraire. Là où les luttes oratoires sont impuissantes, là où l’orateur ne retire ni honneur ni profit de sa science et de son travail, l’éloquence est bientôt découragée et ne tarde pas à tomber en désuétude. C’est ce qui arriva dès les premières années dans l’empire romain. Auguste avait conservé intactes toutes les institutions, on continuait de parler au sénat et dans l’assemblée du peuple; mais, comme le pouvoir réel était entre les mains d’un seul homme, cette éloquence eut si peu d’effet que pas un discours ne nous en a été conservé. Nous savons seulement que plus tard quelques revendications furent faites des anciens droits nationaux, et que les orateurs qui eurent l’audace de les exprimer furent tenus pour des ennemis publics et traités de même. Aussi bien, quand le peuple romain, vainqueur à Actium, se fut retiré de la politique et eut déposé ses pouvoirs entre les mains d’un monarque, les orateurs ne représentèrent plus les besoins et les idées populaires, dont tous les échos étaient censés devoir se concentrer dans la pensée du prince. De même, quand les idées monarchiques eurent cheminé à travers la société grecque et ouvert les voies à Philippe de Macédoine et à son fils, il n’y eut plus