Page:Revue des Deux Mondes - 1866 - tome 66.djvu/631

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la première de celles qu’honore le sacrifice. Ainsi me connaissent les prêtres, qui m’ont donné un grand nombre de demeures et de sanctuaires.

« Celui qui voit, qui respire, qui entend, mange avec moi ses alimens. Les ignorans me détruisent. Ami, écoute-moi : je dis une chose digne de foi ;

« Je dis une chose bonne pour les dieux et les hommes : celui que j’aime, je le fais terrible, pieux, sage, éclairé.

« Pour tuer un ennemi malfaisant, je tends l’arc de Roudra. Je fais la guerre à l’impie ; je parcours le ciel et la terre.

« J’enfante mon père. Ma demeure est sur sa tête, dans la liqueur sacrée, dans le calice. J’existe dans tous les mondes, et je m’étends jusqu’au ciel.

« Telle que le vent, je souffle dans tous les mondes. Ma grandeur s’élève au-dessus de cette terre, au-dessus même du ciel. »

Dans ces contrées de l’Orient, elle n’a pour ainsi dire pas rencontré d’adversaires, en ce sens que les hommes à qui elle s’adressait étaient tous Aryens ou appartenaient à des races infimes, chez lesquelles, en raison de cette infériorité même, elle ne pouvait trouver de résistance. Il n’en fut pas de même lorsqu’elle tenta de s’introduire par la Judée et par l’Egypte dans le monde occidental : elle se trouva face à face avec les Juifs, peuple issu d’une souche différente, et avec les Grecs et les Romains, aryens il est vrai, mais chez lesquels existaient des doctrines ou des institutions sacrées qu’il fallait combattre et renverser. La lutte fut la première condition où se trouva placée la parole sainte au milieu des nations d’Occident, et le premier acte qu’elle eut à accomplir fut la conquête de sa liberté. Cette conquête ne pouvait pas se réaliser par la force, puisque le nombre et le droit social et politique étaient du côté des adversaires; la persuasion fut donc son principal, sinon son unique instrument, jusqu’à l’époque où ses partisans se sentirent assez nombreux et assez forts pour changer la loi et tenir tête à leurs rivaux.

C’est pendant ces siècles de lutte et après que son triomphe eut assuré sa liberté que se forma l’éloquence chrétienne, évidemment venue d’Orient, puisqu’elle n’existait ni chez les Romains, ni chez les Grecs, ni chez les Juifs. La forme qu’elle revêtit fut savante, parce qu’elle trouvait dans la littérature politique et judiciaire des Romains et des Grecs des modèles qu’elle n’avait qu’à imiter, et dans tout l’empire des écoles de rhétorique où l’on dressait à l’art de la parole sinon des orateurs, au moins d’habiles artisans de discours. On vit donc, dans une langue grecque ou latine renouvelée, apparaître un genre d’éloquence auparavant inconnu, qui empruntait sa forme à