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1864, il y en a d’autres au contraire où l’on peut laisser aller les choses sans inconvénient, lorsqu’on a trop de capitaux et qu’ils n’ont pas d’emploi à l’intérieur. Cette différence de situation est facile à reconnaître; elle se traduit par l’état du change et par l’encaisse de la Banque. Quand le change est favorable, peu importe l’écart qui existe dans le taux de l’intérêt entre un pays et un autre : la balance se fait toujours au profit de celui qui a le change favorable, et si on joint à cela une augmentation périodique de l’encaisse de la banque principale, on a la certitude, comme nous l’avons eue cette année vis-à-vis de l’Angleterre, qu’on reçoit toujours plus de capitaux qu’on n’en exporte.

Il est encore un troisième point que les faits de cette année ont mis en lumière et dont nous voulons dire un mot en finissant, c’est la sûreté de la doctrine qui ne reconnaît que l’unité en fait de circulation fiduciaire. Au plus fort de la crise en Angleterre, lorsque le crédit de toutes les banques était en suspicion, excepté celui de la Banque d’Angleterre, on a vu tout à coup la circulation locale diminuer sensiblement, et la Banque d’Angleterre avoir besoin d’augmenter la sienne pour remplir les vides qui se faisaient; mais comme celle-ci, renfermée dans les limites de l’act de 1844, n’avait pas toute latitude à cet égard, les vides ne se remplissaient pas. Le public avait trop de la circulation locale, dont il ne se souciait pas, et il n’avait pas assez de la circulation de la Banque d’Angleterre, qu’il recherchait particulièrement. La situation était des plus critiques, d’autant plus critique que ces mêmes banques locales, par suite de leurs embarras, venaient encore s’appuyer sur la Banque d’Angleterre et lui demander assistance, de sorte que celle-ci se trouvait au même moment porter tout le poids de la circulation fiduciaire du pays, de celle qui n’était pas émise par elle, et qui par conséquent échappait à son contrôle, comme de celle dont elle répondait directement.

Je ne connais pas de fait plus grave contre la circulation locale. Non-seulement elle n’a servi à rien pour empêcher la dernière crise, mais elle a été une cause d’embarras et de trouble, et elle a contribué à l’élévation rapide du taux de l’escompte à 10 pour 100. Si un fait comme celui-là a pu se passer dans un pays peu centralisé, où l’on a des habitudes locales et où d’ailleurs les banques qui émettent des billets au porteur en concurrence avec ceux de la Banque d’Angleterre existent depuis fort longtemps, que se passerait-il en France avec nos habitudes de centralisation, dans un pays où il n’y a jamais eu de crédit local? Il est bien évident qu’à la moindre crise toutes les banques de province qui auraient le droit d’émission verraient leur crédit mis en question et la plupart